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questions politiques, déclarait-il, n’étaient pas des questions de droit, mais de force, et la Prusse était une puissance européenne qui ne se laisserait pas majoriser par quelques voix au sein de la diète fédérale. Il déniait à cette diète le droit de décider dans la question de succession ; elle n’avait pas de droits souverains quelconques, elle était une simple compagnie d’assurance. Et le ministre concluait en comparant d’une manière encore plus significative qu’originale les deux grandes puissances allemandes à une « serre » (glashaus) qui protégeait les états secondaires de la confédération contre les courans d’air de l’Europe !… De son côté, M. de Rechberg adressait le 10 janvier 1864 une longue dépêche au gouvernement, de Bavière, pour démontrer que l’Autriche non plus ne pouvait se laisser majoriser par la diète de Francfort, et que la motion faite par les deux grandes puissances le 28 décembre 1863 allait « jusqu’à la dernière limite » du droit fédéral. Simultanément, et à coup sûr non sans une suggestion venue de Berlin, le Journal officiel de Saint-Pétersbourg publiait tout à coup (9 janvier) le protocole de Varsovie de 1851. C’était rappeler à M. de Beust et aux états secondaires que la maison de Gottorp n’avait renoncé à certains droits qu’en faveur de l’arrangement consacré par le traité de Londres, et que si ce traité venait à être annulé, si la question de succession était posée, la Russie pourrait bien faire valoir des titres que le prince Schwarzenberg lui-même avait déclarés « supérieurs et antérieurs » à ceux du duc d’Augustenbourg[1].

Les tempêtes s’accumulaient de toutes parts au-dessus de « l’aigle » de Dresde, et déjà le 7 janvier sir A. Buchanan put écrire que le langage dès états secondaires devenait « plus modéré, » qu’ils commençaient même à considérer la réunion d’une conférence comme un moyen désirable de sortir d’une, position décidément trop dangereuse. L’ambassadeur anglais ajoutait encore une remarque qui peint on ne peut mieux la situation. « L’attitude

  1. Dépêche de lord Napier du 10 janvier. N’oublions pas de noter que lord Russell avait soin de faire toujours et simultanément à la Russie les mêmes propositions qu’il adressait au cabinet des Tuileries : or rien de plus caractéristique que l’attitude du prince Gortchakov dans toutes ces circonstances. Il était toujours d’accord lorsqu’il s’agissait d’exhorter le Danemark aux concessions ; il fut beaucoup moins empressé dès qu’il fut question d’arrêter l’agresseur. Le vice-chancelier russe voulait bien participer à des démarches contre la diète, « son désir (écrit lord Napier le 10 et le 11 janvier) étant d’encourager l’Autriche et la Prusse à réassumer leur contrôle sur la confédération ;… mais il avait une grande répugnance (great reluctance) à faire des représentations à la Prusse et à l’Autriche. » — C’était, comme on le voit, tout le contraire de la France, qui aurait trouvé « au moins logique » de s’en prendre à l’Autriche et à la Prusse, mais qui ne voulait d’aucune manière blesser la diète et les états secondaires. Cette différence de vues explique à elle soûle toute la situation politique en janvier 1864.