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II

Certains savans, persuadés que le cerveau est l’organe de la pensée, mais frappés des démentis bizarres que l’expérience semble donner à cette théorie, ont été par là conduits à supposer que la plupart des erreurs commises venaient de ce que l’on voulait toujours considérer le cerveau en bloc, au lieu d’y voir un assemblage d’organes différens, associés pour un but commun. Tel est le principe de l’organologie de Gall, soutenu encore à l’heure qu’il est par de savans médecins. À l’aide de ce nouveau point de vue, toutes les contradictions apparentes que nous avons signalées dans notre premier travail peuvent s’expliquer facilement. Que signifieraient en effet la masse et le poids d’un organe complexe dont chaque partie aurait une signification déterminée ? S’il y a dans le cerveau des parties nobles et des parties inférieures, comment ces différences se traduiraient-elles dans un total brut, qui enveloppe tout, sans rien démêler ? Tel cerveau, moins pesant que tel autre, peut lui être supérieur, si les parties consacrées à l’exercice de la pensée l’emportent, et si l’infériorité de poids ne tient qu’à la faiblesse des parties grossières, consacrées aux appétits des sens et aux besoins de la vie organique. La première chose à faire est donc de démêler dans le cerveau ses différentes parties et les diverses facultés qui y correspondent. Gall a entrepris cette œuvre, mais il en a compromis le succès par une précipitation excessive : il a voulu réaliser à lui tout seul une entreprise qui, en supposant qu’elle fût possible, demanderait peut-être plusieurs siècles d’observations et d’expériences rigoureusement suivies. Aussi-pas une seule des localisations proposées par lui n’a-t-elle gardé de valeur scientifique, et son hypothèse est frappée au coin d’une témérité frivole qui n’est pas sans mélange de charlatanisme. Il faut reconnaître cependant, qu’il a contribué à donner dans la science une place au principe des localisations, et que, sans avoir lui-même rien découvert, il a provoqué les recherches de ce côté ; il a attiré l’attention sur la complexité de l’organe cérébral, et l’exagération même de ses vues sur le rôle des circonvolutions a été pour quelque chose dans les études plus exactes et plus profondes qui ont été faites depuis.

Disons encore que parmi les objections dirigées contre la phrénologie, il en est quelques-unes qui ne nous paraissent pas suffisamment démonstratives, et que l’on pourrait écarter du débat : ce sont certaines objections à priori tirées de la philosophie, et qui : n’ont pas suffisamment d’autorité dans un débat essentiellement physiologique et anatomique. La philosophie en effet ne peut pas