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D’ailleurs, pour réduire complètement au silence tous les bruits malveillans, il suffit d’exposer simplement les faits qui rendent la banqueroute impossible. Nous avons dit que la dette actuelle, dépassant 14 milliards, a été contractée envers des nationaux, et qu’au moins les sept huitièmes des obligations se trouvent encore entre les mains de citoyens de la république. Il est également constant que toutes les classes de la nation ont à l’envi contribué aux emprunts. Les titres de 50 et de 100 dollars font partie de presque toutes les épargnes. Les détenteurs de five-twenties (obligations payables en cinq ou vingt années) se comptent à eux seuls par centaines de mille, et le nouvel emprunt des seven-thirties (obligations à 7 trois dixièmes pour 100 payables en trois années) est encore beaucoup plus populaire. On peut hardiment affirmer que le nombre de personnes peu fortunées qui possèdent, sous une forme ou sous une autre, des obligations des États-Unis est beaucoup plus considérable que celui des riches créanciers, bien que d’un autre côté le total des sommes avancées par de forts capitalistes constitue la partie la plus élevée des emprunts. Or, dans un pays où le suffrage universel s’exerce constamment et sur toutes les questions d’intérêt national, dans un pays où le possesseur d’un billet de 50 dollars a le même pouvoir politique que le millionnaire, est-il possible que des mesures législatives puissent confisquer ainsi l’argent dans la poche du pauvre ? De pareilles mesures ne pourraient être prises que par le congrès, c’est-à-dire par une assemblée issue du suffrage universel ; mais les détenteurs des obligations du gouvernement sont en majorité dans tous les districts électoraux, et rendraient impossible la nomination d’un seul membre disposé à répudier la dette.

D’ailleurs une raison plus forte encore, s’il est possible, milite en faveur du crédit national, et cette raison n’est autre que le mode de taxation adopté aux États-Unis. La plus grande partie des ressources nationales provient des contributions directes, taxes sur le revenu, taxes sur les manufactures, patentes, timbres, etc. Les cinq septièmes des recettes du budget de 1865 sont le produit de cette classe d’impôts, et deux septièmes seulement sont fournis par les douanes. Ce dernier impôt pèse également sur tous les consommateurs riches ou pauvres ; il en est de même des taxes intérieures qui tombent sur les produits nationaux et en exhaussent le prix ; mais une grande partie de l’impôt direct pèse principalement sur le riche. En aucun pays du monde, le système de taxation n’est combiné de manière à épargner davantage le pauvre en faisant peser les impôts sur les citoyens aisés. Dans la répartition des votes, chaque congrès populaire a toujours pour but d’épargner dans la mesure du possible les classes laborieuses. Comme exemple de cette sage politique, il suffira de citer la loi établissant l’impôt sur le revenu, qui est pour le trésor fédéral la principale source de recettes. En vertu de cette loi, les personnes qui ont un revenu inférieur à 3,240 fr., c’est-à-dire la grande majorité des ouvriers, des petits marchands, des fer-