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Il commençait ainsi : « Quand tout mon être deviendrait langue et voix, je ne suffirais pas à proclamer dignement les vertus de la vénérable Paula. Noble par la naissance, plus noble par la sainteté, puissante jadis par ses richesses, plus illustre maintenant par sa pauvreté dans le Christ, la fille des Gracques et des Scipions, l’héritière de Paul-Emile, dont elle porte le nom, la vraie et directe descendante de Marcia Papyria, mère de l’Africain, a préféré Bethléem à Rome et un toit de boue aux faîtes éclatans des palais. Nous ne pleurons pas de ce que nous l’avons perdue, nous remercions Dieu de l’avoir possédée. Que dis-je ? nous la possédons toujours, car tout vit par l’esprit de Dieu, et les élus qui retournent à lui restent encore dans la famille de ceux qu’il aime.

« J’atteste Jésus et ses saints, j’atteste surtout l’ange particulier qui fut le gardien et le compagnon de cette admirable femme, je les atteste tous, que la faveur, — encore moins la flatterie, — ne guidera point ma langue. Tout ce que je dirai, je le dirai sous la foi du témoignage, et ce que je dirai est encore bien loin de ses mérites, que l’univers célèbre, que les prêtres admirent, que les vierges prennent pour modèle, que la troupe des moines et des pauvres poursuit de larmes amères ; un seul mot résume toutes ses vertus, elle est morte plus indigente que les pauvres à qui elle a été enlevée.

« Je laisse à d’autres le soin de remonter au berceau de sa race, de nous montrer au foyer de Blésille et de Rogatus, parmi les images des ancêtres, d’un côté la lignée des Gracques, de l’autre celle d’Agamemnon et les reliques dû siège de Troie. Nous ne louons, nous, que ce qui appartient à l’homme et ce qui découle des plus pures sources du cœur. Les apôtres demandaient un jour au Sauveur ce qui leur reviendrait, s’ils abandonnaient leurs biens pour le suivre : « Le centuple aujourd’hui, leur répondit-il, et après, la vie éternelle. » Nous apprenons par là que la gloire n’est pas de posséder la richesse, mais de la mépriser au nom du Christ, de s’enfler des grandeurs et des dignités, mais de les mettre sous ses pieds au nom de la foi ; voilà le bien présent que promettait Jésus. Se donner à lui, c’est échanger la gloriole d’une ville pour l’estime de l’univers. Habitante de Rome, Paula n’était point connue hors de Rome ; elle se cache à Bethléem, et la chrétienté barbare et romaine tout entière l’admire. Quelle région en effet, quel peuple, quelle race n’envoie pas ses enfans aux saints lieux ? Or, parmi les merveilles humaines, que voyait-on au-dessus de Paula ? Ainsi resplendit dans un collier de perles la perle la plus précieuse ; ainsi un rayon de soleil efface les humbles flambeaux de la nuit. Paula voulait être la dernière, et tout le monde l’a proclamée la première ; plus elle se cachait, plus elle apparaissait aux regards. Si noble par elle-même, elle avait épousé Toxotius, dont la généalogie