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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/651

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II.

La recherche des causes premières, avons-nous dit, n’est point du domaine scientifique. Quand l’expérimentateur est parvenu au déterminisme des phénomènes, il ne lui est pas donné d’aller au-delà, et sous ce rapport la limite de sa connaissance est la même dans les sciences des corps vivans et dans les sciences des corps bruts.

La nature de notre esprit nous porte d’abord à rechercher la cause première, c’est-à-dire l’essence ou le pourquoi des choses. En cela, nous visons plus loin que le but qu’il nous est donné d’atteindre, car l’expérience nous apprend bientôt que nous ne pouvons pas aller au-delà du comment, c’est-à-dire au-delà du déterminisme qui donne la cause prochaine ou la condition d’existence des phénomènes.

Ce que nous appelons le déterminisme d’un phénomène n’est rien autre chose que la cause déterminante ou la cause prochaine, c’est-à-dire la circonstance qui détermine l’apparition du phénomène et constitue sa condition ou l’une de ses conditions d’existence. Le mot déterminisme a une signification tout à fait différente de celle du mot fatalisme. Le fatalisme suppose la manifestation nécessaire d’un phénomène indépendamment de ses conditions, tandis que le déterminisme n’est que la condition nécessaire d’un phénomène dont la manifestation n’est pas forcée. Le fatalisme est donc anti-scientifique à l’égal de l’indéterminisme.

Lorsque, par une analyse expérimentale successive, nous avons trouvé la cause prochaine ou la condition élémentaire d’un phénomène, nous avons atteint le but scientifique que nous ne pourrons jamais dépasser. Quand nous savons que l’eau avec toutes ses propriétés résulte de la combinaison de l’oxygène et de l’hydrogène dans certaines proportions, et que nous connaissons la condition de cette combinaison, nous savons tout ce que nous pouvons savoir scientifiquement à ce sujet ; mais cela répond au comment et non au pourquoi des choses. Nous savons comment l’eau peut se faire ; mais pourquoi la combinaison d’un volume d’oxygène et de deux volumes d’hydrogène donne-t-elle de l’eau, nous n’en savons rien, nous ne pouvons pas le savoir, et nous ne devons pas le chercher. En médecine aussi bien qu’en chimie, il n’est pas scientifique de poser la question du pourquoi : cela ne peut en effet que nous égarer dans des questions insolubles et sans applications. Serait-ce pour se moquer de cette tendance anti-scientifique de la médecine qui résulte de l’absence du sentiment de cette limite de nos connaissances que Mo-