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chaou, et dont le sort excitait de si vives inquiétudes ; ensuite l’armée avait épuisé ses munitions dans la dernière bataille, et les convois de Tien-tsin ne pouvaient arriver que dans quelques jours. Enfin, l’hiver approchant à grands pas, il était indispensable de hâter le dénoûment d’une campagne que le moindre retard risquait de rendre inutile et même désastreuse. Il fut donc décidé que le baron Gros et lord Elgin consentiraient à se mettre en rapport avec le prince Kong. Ils lui écrivirent le 22 septembre, du camp de Pa-li-kiao, qu’ils avaient reçu l’avis de sa nomination en qualité de plénipotentiaire, mais qu’ils exigeaient tout d’abord la reddition immédiate des prisonniers ; autrement les hostilités suivraient leur cours. Le prince Kong répondit le 23 :


« Pour répondre à la dépêche que je viens de recevoir de votre excellence, et dans laquelle elle demande que les officiers de son empire qui ne sont pas encore revenu, dans leur camp y retournent sans délai, j’ai à dire à votre excellence, après avoir examiné cette affaire, que, ces officiers s’étant rendus à Tong-chaou pour y discuter, avec les anciens commissaires impériaux, le prince Tsaï et son collègue, les huit articles qui avaient été présentés et qui avaient été acceptés, ce qui, nous le supposons, a dû satisfaire votre excellence, il ne restait plus à traiter que la question de la remise entre les mains de l’empereur de la lettre de votre empire, et que, cette question n’étant pas encore résolue d’une manière satisfaisante, les fonctionnaires dont il s’agit se sont formalisés et ont quitté la ville ; mais sur la route ils ont rencontré les deux armées qui en étaient venues aux mains, et ils ont été dispersés et pris dans la mêlée[1] : ce qui ne prouve pas que la Chine veuille se refuser au rétablissement de la paix. Aujourd’hui ces individus sont dans la capitale, où ils n’ont pas été maltraités ; mais, comme la paix n’est pas rétablie, il n’est pas possible de les renvoyer en ce moment. Puisque la ville de Tien-tsin et les forts de Takou ont été pris par vos troupes et n’ont pas encore été évacués, quel tort peut vous faire l’absence de quelques officiers de votre empire ?

« Si les deux nations en viennent à conclure la paix, si les hostilités cessent et si vos navires de guerre sortent de la rivière de Takou, lorsque nous aurons ensuite discuté et arrêté chacun des articles proposés, nous consoliderons cette paix en vous renvoyant ces officiers, après avoir constaté leur identité. »


Cette dépêche, peu satisfaisante au sujet des prisonniers, indiquait, dans l’un de ses paragraphes, l’importance extrême que les commissaires chinois attachaient à la question de l’audience, si lon-

  1. La traduction anglaise porte : « Mais sur leur route ils ont rencontré les troupes (chinoises) : une lutte s’est engagée, et ils ont été arrêtés dans la mêlée. » Selon cette version, le prince Kong semble attribuer l’origine du combat à une querelle fortuite survenue entre les fonctionnaires européens et les troupes chinoises. La différence entre les deux traductions est ici très importante.