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rendraient à Pékin avec une escorte convenable, et quand les ratifications auraient été échangées dans la capitale, les troupes commenceraient leur mouvement de retour vers Tien-tsin, où elles tiendraient garnison jusqu’au printemps. Dans le cas où ces dispositions ne seraient pas acceptées, la France et l’Angleterre tireraient la plus éclatante vengeance de la déloyauté du gouvernement chinois. — Ainsi les ambassadeurs ne modifiaient point les conditions qu’ils avaient notifiées d’abord à Kouei-liang, puis au prince Tsaï : ils ne se prévalaient pas de la double victoire de l’armée alliée pour aggraver leurs demandes. Désireux d’obtenir sans retard la reddition des prisonniers et très pressés de conclure enfin la paix, ils ne voulaient point s’écarter de la modération. Au surplus, ils étaient fort inquiets de la situation critique où le cabinet de Pékin s’était placé ; ils appelaient donc toute l’attention du prince Kong sur les conséquences d’une nouvelle rupture ; ils lui montraient en perspective la prise et la destruction de la capitale, les périls qui menaçaient l’empereur et sa dynastie ; ils l’engageaient sincèrement à conjurer ces éventualités, qui les effrayaient eux-mêmes presque autant qu’elles pouvaient effrayer le gouvernement chinois.

Ces conseils produisirent sur le prince Kong l’effet d’une menace et réveillèrent en lui tous les ressentimens de l’orgueil blessé. — « Si votre gouvernement, répondit-il le 27 au baron Gros, est décidé à attaquer la capitale de l’empire, nos soldats qui sont dans la ville avec leurs familles se défendront jusqu’à la mort, et vous verrez bien d’autres combats que ceux qui ont eu lieu… De plus, les troupes et les milices des provinces sont nombreuses et aguerries. Au moment où la capitale serait attaquée, non-seulement vos compatriotes captifs seraient les premiers sacrifiés, mais encore l’arrière-garde de votre principal corps d’armée se retirerait difficilement saine et sauve ! Bien que l’arrestation et la captivité de vos nationaux soient le fait de personnes qui ont mal conduit les affaires, je ne veux pas, puisque je suis commissaire impérial, investi de l’autorité suprême, que l’on maltraite les prisonniers ; mais en ce moment il ne serait pas convenable de vous les rendre. Ce ne sera que lorsque le traité sera signé qu’ils viendront vous rejoindre. » De même, dans sa réponse à lord Elgin, le prince Kong repoussait comme injurieuse la sollicitude que l’ambassadeur anglais avait paru exprimer pour l’empereur et sa dynastie ainsi que pour la ville de Pékin, et il déclarait que la reddition des prisonniers devait suivre et non précéder la signature du traité.

Le délai de trois jours fixé par l’ultimatum des ambassadeurs expirait le 30 septembre. Les prisonniers n’étaient pas revenus au camp. Le prince Kong, dans ses dépêches multipliées, répétait in-