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organisée selon les progrès récens de la science peut seule conjurer.

Plus que jamais donc nous devons nous préoccuper de l’état de notre marine, et il est d’autant plus important de le faire que sous de brillantes apparences se cachent certaines causes de malaise et d’affaiblissement qui, si on n’y portait remède, menaceraient dans un prochain avenir d’avoir de désastreuses conséquences ? Rien de plus magnifique, en effet, que ces apparences. Quel est le point du globe où notre marine n’ait pas rendu d’éclatans services ? Grâce à elle, nous avons conquis un empire en Algérie. N’est-ce pas elle qui nous a permis de tourner en Crimée les obstacles contre lesquels, en 1812, s’était brisé le génie de l’empereur ? Ne lui devons-nous pas d’avoir pu atteindre en 1859 les plaines de la Lombardie avec une célérité qui nous a donné sur nos adversaires un immense avantage ? En Chine, au Japon, au Mexique, partout enfin elle a laissé sa marque, et donné la mesure de sa valeur. Pas de fautes, pas d’erreurs, point d’échecs ; partout l’emploi de nos forces navales a donné les résultats les plus complets, les plus excellens. Où donc est le mal, que nous sommes les premiers peut-être à signaler au public, mais, dont tout le monde dans le corps ressent cruellement la présence ? Faut-il le chercher dans l’état de notre personnel ou dans celui du matériel, ces deux grandes branches du service maritime ? Notre matériel a bien donné lieu à quelques, critiques, mais il suffit d’avoir vu le Magenta, ou n’importe quelle autre de nos nouvelles constructions, et d’avoir admiré l’élégance de ces redoutables machines de guerre, l’aisance avec laquelle, malgré leur énormité, elles flottent sur l’eau, cet air marin que les expériences ont si bien confirmé, pour être assuré que nous avons dans M. Dupuy de Lôme et ses coopérateurs des hommes qui, en fait de progrès naval, ne nous laisseront jamais en arrière. Si un seul reproche pouvait leur être fait, ce serait d’aller trop vite et de faire trop à la fois. Les inventions, les applications, les perfectionnemens marchent avec une telle rapidité aujourd’hui que ce qui était hier le dernier mot de la science n’est plus de mise demain, et que trop de navires du même type, mis en même temps sur le chantier, risquent de nous doter de coques très coûteuses, mais destinées à être hors de service ayant d’avoir affronté l’ennemi. Déjà le Magenta et ses frères, si beaux, si bons à la mer, armés de cette double batterie si séduisante à l’œil du marin de l’ancien temps, ne sont plus des instrumens de guerre doués de la puissance irrésistible qu’on leur supposait. Les progrès de l’artillerie les ont détrônés. Il existe aujourd’hui des navires à peu près invulnérables à l’artillerie qu’ils portent et munis de canons contre lesquels leurs cuirasses ne sont plus une protection suffisante, témoin le combat où le Tennessee a succombé à Mobile. Et telle est la puissance de cette nouvelle ar-