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mis de faire des plaisanteries à ce sujet, et qu’ici tout le monde s’occupe dans le même sens de ce grand changement des modes suédoises. »


Creutz, lui aussi, avait commencé par de pareils témoignages ; mais, si Gustave III persistait, il n’avait plus de scrupules et ne demandait pas mieux que d’admirer. Peut-être même était-ce pour flatter le roi son maître qu’il lui avait transmis en 1775 la nouvelle d’un projet analogue, adopté, disait-il, par la cour de France. « La plupart des jeunes gens qui vont au bal de la reine, écrit-il au mois de janvier de cette année, seront en habit de novices de l’ordre, qui est l’habillement de Henri III. Si cet habit réussit, on en fera désormais l’habit de cour, et peu à peu il deviendra celui de la nation. » Et en novembre de la même année : « Le roi pense à nous donner ici un habillement national plus analogue au climat. Cela pourra arrêter le luxe et détruire la frivolité. » Ce qui était vrai, c’est que la reine essayait de bannir ce qu’il y avait de plus gênant dans les costumes de cour, et que, d’autre part, l’esprit du XVIIIe siècle commençait à ne plus respecter les distinctions traditionnelles des classes sociales ; on peut lire dans les mémoires de Mme d’Oberkirch comment dès 1784 la noblesse, quittant l’épée, se dépouilla ainsi d’un de ses premiers privilèges : la mode servait d’organe à l’opinion, et il n’y avait pas besoin de Versailles pour ce changement. Quoi qu’il en soit du prétendu projet de la cour de France, Gustave III fut le seul qui persista dans son entreprise ; ses favoris portèrent en quelques rares occasions l’habit officiel, mais ce fut tout, et il en fut réduit à réserver pour ses voyages à l’étranger ce prétendu costume national qui fit l’étonnement des cours qu’il visita.

Là où Gustave III se montra le mieux inspiré par la philosophie du XVIIIe siècle, ce fut lorsqu’il décida par ses conseils répétés la diète suédoise de 1778 à proclamer la liberté des cultes, qu’il confirma lui-même par une loi du mois de janvier 1779 et surtout par l’édit royal du 24 janvier 1781. Il n’y avait eu jusqu’alors à Stockholm d’autre chapelle catholique que celles de quelques ambassadeurs dont les aumôniers tenaient leurs pouvoirs d’un comte de Gondola, évêque in partibus de Tempe, vicaire apostolique pour le nord, et qui résidait à Vienne. Désormais, à la suite d’une convention avec Rome, un certain abbé Oster, directement institué par le saint-siège, vint s’établir en Suède. Une commission était en même temps nommée par le gouvernement suédois pour préparer une mémoire traduction de la Bible. Cependant l’Allemagne, la Suisse, la France, avaient encore des persécutions religieuses et l’Espagne des auto-da-fé ; aussi l’Europe ne lut-elle pas sans surprise l’édit