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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/1043

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tiques, une question intérieure et une question extérieure. La question intérieure est très importante. La marche de la maladie a prouvé cette année que l’infection cholérique voyage avec ceux qui fuient les foyers où cette infection s’est déclarée. L’on a vu le choléra partir de La Mecque avec les pèlerins, s’établir en Égypte, et de l’Égypte se répandre avec les émigrans d’Alexandrie dans tous les ports de la Méditerranée qui n’ont pas su se protéger par des précautions sanitaires efficaces. C’est ainsi qu’il a atteint la France. Cette expérience toute récente est décisive. Il n’y a plus à disserter sur le caractère contagieux du choléra : il ne faut pas s’arrêter à de vaines querelles sur le sens littéral du mot contagieux ; la contagion signifie transmission, et la transmission s’accomplit manifestement par le déplacement des personnes. On ne saurait trop déplorer que l’on ait attendu cette expérience pour arriver à la conviction qui prévaut aujourd’hui sur le mode de transmission du choléra. Si cette conviction avait été imposée à l’administration dans les premiers mois de cette année, on n’eût point hésité à prendre à Marseille les précautions sanitaires que l’opinion publique de cette ville réclamait à l’égard des arrivages d’Alexandrie. Il est maintenant incontestable que ce sont des émigrans d’Alexandrie qui ont introduit le choléra à Marseille, et par conséquent en France. Ce fait, si profondément regrettable, donne une grande force aux réclamations des Marseillais demandant qu’on leur rende leur vieille institution de l’intendance de santé. Voilà un cas qui prouve bien éloquemment l’utilité des institutions vivant d’une initiative municipale et l’insuffisance souvent fâcheuse de la centralisation administrative. Si l’initiative des mesures sanitaires fût demeurée à une intendance marseillaise au lieu d’être reportée au ministère du commerce, il est permis de croire que l’accès de la France par le littoral de la Méditerranée eût pu être fermé à l’invasion cholérique. Des hommes très éminens dans la pratique médicale ou dans la science générale, un médecin marseillais par exemple, M. Bertulus, et notre illustre collaborateur M. Littré, croient à l’efficacité des quarantaines. D’autres médecins, qui ont le tort, suivant nous, de trop jouer sur le sens littéral du mot contagion, méprisent ce système de précautions ; mais dans le doute ce serait encore le système le plus prudent qui aurait dû et qui devrait l’emporter dans l’esprit du gouvernement. On s’est beaucoup récrié contre l’ancienne organisation des quarantaines, qui était accompagnée, il est vrai, de vexations odieuses et ridicules ; mais l’on est allé trop loin dans la réaction. Il est certain qu’il est des cas où, pour défendre la santé publique, il ne faut point hésiter à prendre à temps des mesures vigoureuses ; devant un tel intérêt, il est inhumain et absurde de négliger, même quand elle serait problématique, une chance de salut.

En fait de quarantaines, on est passé d’un préjugé excessif au préjugé opposé, et c’est ce mouvement contradictoire qui a entraîné les omissions funestes dont on a aujourd’hui lieu de se plaindre. Chose curieuse, pour