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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/128

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nement, inspecteur-général des mines anglaises du Lac-Supérieur. Il me parle de ce bassin minier, qui est le plus riche du monde. On y trouve le cuivre presque à fleur de terre, en blocs énormes, et à l’état natif. Le minerai de fer s’y rencontre en montagnes qui couvrent des pays entiers. Le premier bloc de cuivre découvert à la mine Minnesota, près d’Ontonagon, pesait 7,000 kilogrammes. Aussi le produit des mines de cuivre a-t-il augmenté en sept années de 3,000 à 10,000, celui des mines de fer de 1,400 à 115,000 tonnes. Les établissemens de la côte anglaise sont encore nouveaux et à peine ébauchés, mais on s’attend à leur voir prendre un grand développement : ils ont du plomb, du cuivre, de l’argent, du fer, tous les métaux. En revanche, le séjour de ces contrées est fort rude, le climat septentrional règne en toute saison, Je commence à m’en apercevoir à la bise froide qui descend la vallée.

Nous sortons de cet archipel aux dix milliers d’îles. Un ciel bas nous les laisse voir avec l’aspect sale et triste des jours de pluie. Les côtes noires s’allongent à l’horizon comme des taches d’encre sur la surface grise du lac. On dirait une de ces froides soirées de novembre où le ciel a perdu toute lumière et la terre toute couleur. Peu à peu cependant les nuages s’élèvent ; nous entrons dans un défilé bordé de montagnes, les forêts s’éclairent d’une lueur sombre. Il y a beaucoup de grandeur dans cette entrée du dernier bassin où séjournent les eaux d’un continent. On sent qu’on va pénétrer dans un nouveau monde. La barrière montagneuse se ferme de tous côtés. On découvre l’embouchure du fleuve cachée dans une étroite encoignure. Il y a un hameau sur chaque rive, postes où s’arrêtent les steamers des deux pays, — les Américains à gauche, les Canadiens à droite. Pendant que nous faisons du bois, le soleil achevé de chasser les brouillards, il brille sur des côtes boisées et sauvages ; le granit rouge de la montagne se cache sous les sapins à sombre verdure ou se marie au feuillage brun des forêts roussies par la flamme. Çà et là flotte une fumée bleue dont la gaze transparente adoucit les teintes brûlées. Au milieu coule à pleins bords, avec une belle couleur verte et limpide, le fleuve Sainte-Marie, aussi grand déjà et plus majestueux que le Saint-Laurent.

Aux environs des rapides, les côtes s’abaissent. On ne voit à l’ouest que l’horizon écumant, taché de quelques îles verdoyantes. Des mouettes, de grands oiseaux pêcheurs s’ébattent dans ce tumulte et planent gravement au-dessus des vagues, prêts à fondre sur le poisson imprudent qu’entraîne le courant. Quelquefois ils se posent sur la vague, et roulent comme des écumes blanches ballottées sur l’eau verte. C’est là, au pied des rapides, que s’élève l’ancien village français de Sault-Sainte-Marie sur l’emplacement