chimie et de la physiologie à la culture, à la composition des amendemens et des engrais. La géologie, de son côté, n’est au fond que la recherche des grandes opérations chimiques accomplies à l’intérieur ou à la surface du globe il y a des milliers, des myriades d’années ; la médecine demande à la chimie la connaissance de ses remèdes, et voilà que les progrès récens de la chimie organique vont faire de la physiologie animale et végétale une de ses tributaires.
Ces conquêtes, qui ont souvent demandé moins d’années que celles des plus grands capitaines, d’un Alexandre et d’un Tamerlan par exemple, n’en ont pas eu le retentissement. Le théâtre en a été plus restreint, à ne mesurer que l’espace matériel parcouru ; mais elles seront bien autrement fécondes et durables, et dans l’ordre intellectuel elles occupent une bien autre place. Si elles n’ont pas obtenu la même popularité que les conquêtes du glaive et de la force, cela tient à ce qu’elles se sont passées dans des régions moins accessibles au vulgaire. Pour accompagner les conquérans fameux, il suffisait d’être un bon soldat ; pour comprendre ce qu’ils ont fait, il n’est besoin que d’un peu de géographie et d’histoire, tandis que, pour bien apprécier les découvertes de la chimie moderne, une préparation longue et sérieuse est indispensable. Il est plus aisé de savoir d’une manière générale quels événemens se sont accomplis en France depuis cinquante ans que de suivre même superficiellement les travaux exécutés par nos grands chimistes durant la même période. Cependant l’intérêt de tant de découvertes vaut bien la peine qu’on tente quelque effort pour les comprendre. Quelle science est plus faite pour nous captiver que celle qui nous révèle de quelle matière nous sommes formés, de quoi nous nous nourrissons, avec quelles substances nous sommes en contact, quels effets physiques se produisent nous, hors de nous, où passent ces parties que nous nous assimilons, que nous rejetons incessamment ? Ce ne sont pas là des affaires particulières, des intérêts du moment : ce sont des problèmes qui touchent à l’humanité physique tout entière ; c’est le monde des êtres auquel nous appartenons qui est ici en jeu. Nous dépensons beaucoup d’intelligence et de travail à pénétrer dans le dédale de contestations mesquines et de fait insignifians, et nous n’aurions pas souci d’apprendre ce qui a bien autrement d’intérêt, à savoir ce qu’est la merveilleuse nature au sein de laquelle nous naissons, nous vivons, nous mourons, qui nous précède et qui nous survit, qui fournit à toutes les générations les principes mêmes qui les font exister ! Cette ignorance du vulgaire en ce qui touche la nature tient, il est vrai, à ce que cette étude absorberait seule une vie tout entière. La chimie soulève des problèmes dont l’étendue nous effraie ; elle exige une