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niques se combinent en effet, comme ceux des substances inorganiques, suivant des rapports simples, mais qui demeurent constans pour un même composé. Qu’il s’agisse, par exemple, d’un gaz dégagé d’une pierre, d’une plante ou d’un animal, une proportion identique de ce gaz unie à une proportion déterminée d’un autre gaz engendrera toujours un corps, identique, et ce corps nouveau, né de l’union intime en proportions définies des deux gaz, ne pourra jamais se former que par le concours de ceux-ci.

Quelque prodigue que semble être la nature de ces combinaisons d’hydrogène, d’oxygène, de carbone et d’azote, elle n’associe pas plus les élémens organiques que les élémens purement minéraux d’une manière capricieuse et irrégulière. Il doit constamment exister un rapport fixe entre les volumes des radicaux qui, en s’unissant, donnent naissance à un corps différent ; ce rapport varie à chaque espèce de corps, mais pour la même espèce il ne saurait se modifier. Mis en présence, deux ou plusieurs des élémens de la nature organique, en quelque quantité qu’ils se trouvent, ne se combinent qu’en observant la proportionalité des volumes, condition même de leur combinaison. Le surplus de l’un ou de l’autre de ces élémens demeure libre, se sépare ou se précipite ; c’est un excès dont le composé qui se forme n’avait pas besoin. Que l’on fasse passer, par exemple, trois volumes d’hydrogène et un volume d’oxygène dans l’appareil consistant en un tube de verre épais terminé par une armature métallique auquel a été donné le nom d’eudiomètre, puis qu’une étincelle électrique traverse ce mélange : l’on obtiendra de l’eau ; mais tout l’hydrogène n’aura pas été dépensé, on en recueillera encore un volume dans le tube. Pourquoi ? C’est que l’eau est formée de deux volumes d’hydrogène et d’un d’oxygène ; on avait donc en trop un volume du premier gaz, et quand l’excitation de l’étincelle électrique a eu produit la combinaison et engendré l’eau, cette combinaison n’a absorbé que deux volumes d’hydrogène ; un volume tout entier est resté en dehors de ce phénomène de métamorphose. N’eût-on introduit dans l’eudiomètre que deux volumes d’hydrogène, les deux gaz auraient complètement disparu pour ne laisser place qu’à l’eau.

C’est là ce que l’on appelle la loi des proportions définies, et cette loi, les matières organiques n’en font que confirmer la généralité. Nulle part elle n’a paru pour ces matières avec un plus haut degré d’évidence que dans les corps gras d’origine animale dont un des plus habiles chimistes de notre temps, M. Chevreul, a poursuivi l’étude avec autant d’adresse que de pénétration. Ces corps si variés et si divers dans leurs propriétés sont des mélanges, des associations en proportion indéfinie d’un certain nombre de principes ; 1 mais ces principes constituent des espèces définies où les éléments