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élémens, ils ne font que reproduire, dans des conditions plus délicates, les aptitudes fondamentales des élémens minéraux concourant à les former.

Toutefois, si la nature organique a, comme le règne minéral, ses acides, ses oxydes, si elle présente des corps répondant, sinon par leur composition, du moins par leur rôle, aux corps simples de la chimie inorganique, elle l’emporte de beaucoup sur lui pour la variété des types ou catégories de substances. Elle renferme en effet des corps n’ayant aucune analogie avec les matières minérales, affectant des propriétés qui ne se retrouvent dans aucune substance non carbonée et qui remplissent des fonctions particulières. Leurs propriétés spéciales sont aussi nettement définies que celles des acides et des alcalis organiques, mais elles appartiennent à un tout autre ordre. Ces corps, qui n’ont rien d’analogue dans la nature minérale, ne reproduisent point, à la façon des acides et des alcalis organiques, les propriétés principales des élémens minéraux ayant servi à leur formation. Il faut ranger dans cette catégorie les carbures d’hydrogène, les alcools, les éthers, les aldéhydes, les matières sucrées, les corps gras neutres. Ces substances, étudiées avec beaucoup d’attention depuis un demi-siècle, ne sont pas toutes l’œuvre de la nature ; on a pu en fabriquer un grand nombre artificiellement, comme cela avait eu lieu pour les acides et les alcalis organiques, à l’aide d’autres composés fournis par le règne organique. Le hasard entra d’abord pour beaucoup dans la découverte de ces produits ; mais les méthodes ne tardèrent pas à se perfectionner. La synthèse en chimie organique fit de notables progrès, et l’on réussit à créer d’une manière régulière des séries entières de corps dont on n’avait, quelques années auparavant, aucune idée. Cette création, on l’annonçait parfois à l’avance, tant on s’était rendu maître des lois qui président à la combinaison des corps. C’est ce qui arriva pour les aldéhydes et pour les acides gras, dont M. Dumas rattacha la formation aux alcools par des liens nouveaux et généraux. Dans les recherches auxquelles se livraient les chimistes pour reformer les matières organiques, pour les tirer les unes des autres et en créer de nouvelles, l’oxydation jouait le rôle principal ; mais, quelque puissante que fût cette ressource, elle ne pouvait suffire à tout. On dut recourir à de nouveaux agens et employer non-seulement les affinités de l’oxygène, mais encore les affinités diverses de tous les corps simples dont dispose la chimie minérale. Ce concours d’élémens, étrangers pour la plupart à la nature organique, on en usa par voie détournée. Se propose-t-on d’enlever à un principe organique quelqu’un de ses élémens, le carbone, l’hydrogène, l’oxygène ou l’azote, ce n’est point d’ordi-