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au caractère différent de stabilité, de permanence des substances sur lesquelles on opère. Voulait-on par exemple fabriquer des carbures d’hydrogène, on devait demander le carbone à ces composés très simples où il est combiné avec l’oxygène, tels que l’acide carbonique, l’oxyde de carbone. Or la stabilité de ces corps luttait, dans l’opération chimique, contre la facile destruction des carbures eux-mêmes, d’une constitution beaucoup plus précaire. Force fut donc de ne pas s’en tenir à la méthode logique, qui n’eût été que l’inverse de l’analyse, de ne pas toujours procéder du simple au composé, et d’user de moyens détournés, en quelque sorte d’artifices, pour arriver au but. C’est là que se montra le génie de l’expérimentateur. On va en trouver un exemple dans le procédé auquel recourut d’abord M. Berthelot avant d’avoir découvert des méthodes plus simples et plus directes.

Ce premier procédé conduit à transformer l’eau et l’acide carbonique, c’est-à-dire les matériaux naturels des formations végétales, en composés organiques proprement dits. M. Berthelot commença par créer artificiellement de l’acide formique, corps ternaire, mais qui, à raison de la simplicité de sa composition, présentait dans sa reproduction moins de difficultés ; car cet acide, formé de carbone, d’hydrogène et d’oxygène ; ne diffère en réalité de l’oxyde de carbone, c’est-à-dire d’un composé minéral proprement dit, que par un excès d’oxygène ; excès qui, uni à une quantité correspondante d’hydrogène, représente les élémens de l’eau. En effet, l’acide formique, chauffé avec de l’acide sulfurique concentré, se décompose précisément en eau et en oxyde de carbone. C’était là ce qui avait montré que, sans des réactions bien compliquées, il devait être possible de remonter de l’oxyde de carbone à l’acide formique. Restait à y fixer l’eau, et c’est à quoi M. Berthelot parvint en faisant usage de la potasse, alcali très apte à se combiner avec l’acide formique sitôt qu’il aurait pris naissance et à le conserver ainsi sous forme de sel, le for lui la Le de potasse.

L’acide formique fourni directement par l’oxyde de carbone est identique à celui qui se produit physiologiquement, qui se rencontre dans la sueur, dans le sang et dans divers liquides du corps humain. Il offre dans sa stabilité et ses réactions les mêmes caractères généraux que les substances organiques naturelles, c’est-à-dire cette même propriété de se transformer graduellement, sous l’influence de forces peu énergiques, en donnant naissance à de nouveaux composés analogues à lui-même. M. Berthelot, une fois en possession de l’acide formique artificiellement engendré, le traita par la baryte ou oxyde de baryum, d’où il résulta du formiate de baryte. Ce sel, décomposé par une chaleur élevée, produisit d’une part un carbonate de baryte, et de l’autre divers composés où se