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Résultant de la combinaison de trois ou quatre élémens. En augmentant ou en diminuant la condensation de l’un ou de plusieurs d’entre eux, on arrive à obtenir des matières de nature et de propriétés très différentes. À ces élémens on peut quelquefois en substituer d’autres qui, dans des proportions déterminées, jouent le même rôle et n’apparaissent ainsi que comme des variétés de ceux dont ils ont pris la place. Puisqu’une différence de condensation dans les molécules détermine des caractères et des qualités différens, comme ce sont les caractères et les qualités des corps qui nous servent à les distinguer, on est tout naturellement conduit à se demander si la condensation de la matière ne serait pas la cause principale de l’essence diverse des substances.

C’est une bien ancienne idée que celle de l’homéomérie, qui envisage tous les corps comme composés de petits éléments semblables à l’ensemble. La doctrine atomistique, qui fut celle de Démocrite et de Leucippe dans l’antiquité, concevait tous les êtres comme formés par un certain nombre d’atomes où d’éléments simples, indivisibles, indestructibles, dont les assemblages variés constituent tous les êtres vivans et animés, de la même manière que les lettres de l’alphabet peuvent former par leurs associations les mots les plus divers. Cette doctrine, développée par Épicure, et qui n’était chez les philosophes anciens, étrangers à l’expérimentation, qu’une pure spéculation, se présente maintenant à notre esprit comme la conséquence possible d’une science bien plus positive et bien plus avancée. La multiplicité des composés dus à l’association d’élémens gazeux, comme l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, suggère la pensée que la diversité des corps pourrait n’être qu’apparente, et que ces corps simples que nous prenons pour les élémens de la matière ne sont que des produits diversement condensés d’une matière unique. La chimie a dû et doit encore prendre les faits tels qu’ils nous apparaissent ; elle doit dire, avec Berzèlius, que les corps simples sont des êtres distincts, indépendans les uns des autres, dont les molécules n’ont rien de commun, sinon la fixité, l’immutabilité, l’éternité. Dans ce cas, il y aurait autant de matières distinctes qu’il y a d’élémens chimiques ; mais, devançant les progrès de la science, ne peut-on pas supposer que les molécules des divers corps simples sont nées de la condensation d’une matière unique, telle que l’hydrogène par exemple ? Des quantités semblables de cette matière pourraient, par des arrangemens différens, constituer des élémens ou radicaux de même poids, mais doués de propriétés distinctes. Dans cette hypothèse, on assimilerait les radicaux supposés simples de la chimie minérale aux radicaux composés de la chimie organique, les premiers différant toutefois des seconds par une stabilité infiniment plus grande et telle que les forces dont la chimie