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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 août 1865.

Naguère tout ce qu’il y avait en Europe de diplomates corrects, rengorgée dans leur sagesse, fidèles aux bonnes traditions, se piquant de belles manières et de savoir-vivre, souriait et haussait les épaules au nom de M. de Bismark. C’était un casse-cou, un brise-raison, un rêveur loquace et vantard qui avait usé d’avance ses utopies à force de les divulguer à tout propos et à tout venant, et à qui l’on ne faisait pas l’honneur de le croire dangereux parce qu’on le trouvait ridicule. Nous voudrions bien savoir s’il y a en ce moment parmi les diplomates confits et déconfits des grandes et des petites cours quelqu’un qui pense encore que M. de Bismark soit moquable.

M. de Bismark a pour lui le succès. Il a remporté la victoire de Gastein, il s’approprie le Lauenbourg, il a Kiel sous le nom et sous le prétexte de la fantastique marine fédérale ; il a Rendsbourg, il a le Slesvig et les routes militaires du Holstein, il aura le canal qui doit joindre la Baltique à la Mer du Nord ; il est moralement et presque matériellement maître des duchés de l’Elbe. On peut en effet, quoiqu’elle soit en apparence, destinée à ne régler encore qu’une situation provisoire, considérer la convention de Gastein comme consacrant l’ascendant définitif de la Prusse dans la question des duchés. L’Autriche a cédé, l’Autriche abandonne la protection des états moyens ; une grande tradition allemande est ainsi détruite. La vieille diète est mise de côté, elle enregistrera passivement sous la double pression de la Prusse et de l’Autriche, les arrangemens concédés par l’Autriche à la Prusse. La Prusse enfin voit s’accomplir le plus impatient de ses vœux ; elle s’agrandit par un procédé qui fait planche pour l’avenir, suivant une méthode qui indique et détermine la voie de ses agrandissement futurs.

Malgré le peu d’attention qu’on prête à la politique dans cette saison de l’année, il est impossible de relever par un simple badinage ce qui vient de se passer en Allemagne. Ce qu’il y a de plus intéressant dans la comédie qui s’est dénouée à Gastein, ce n’est pas la pièce elle-même, c’est l’ensei-