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La France, soit du côté de l’Allemagne, soit du côté de la Russie. Le coup porté à la monarchie danoise ne pouvait manquer de retentir sur nos intérêts, puisqu’il devait déterminer en Allemagne un changement de situation et d’influence. Or, depuis François Ier jusqu’à Napoléon, il est sans exemple que la France ait assisté à un changement de cette nature sans en être affectée. L’évolution allemande déterminée par l’affaire des duchés commence à s’accomplir aujourd’hui, et, nous le demandons, de l’Angleterre et de nous qui est le plus directement intéressé à cette situation nouvelle ? L’ascendant de la Prusse, accepté par la complaisance intéressée de l’Autriche, subi par l’impuissante faiblesse des états secondaires, modifie nécessairement notre position relative envers l’Allemagne. L’esprit remuant de M. de Bismark n’est point fait pour nous inspirer une entière sécurité ; les besoins et les tendances politiques de la Prusse nous avertissent qu’un succès tel que celui qui vient d’être obtenu par le cabinet de Berlin est le commencement de quelque chose. Les liens qui unissent maintenant les cours de Pétersbourg, de Berlin et de Vienne n’ont plus besoin d’être dévoilés par des indiscrétions de chancellerie, ils apparaissent dans les faits et dans la nécessité des choses. Le vieux faisceau est réformé ; la convention de Gastein le serre d’un nouveau nœud. Quel prix l’Autriche obtiendra-t-elle de ses complaisances ? On parle déjà d’une garantie qui, avec l’accord de la Prusse, serait donnée par la confédération germanique aux possessions allemandes et non allemandes de l’Autriche. Une telle mesure, quoiqu’elle n’eût qu’un caractère défensif, n’eût point été soufferte par le gouvernement républicain de 1848 ; elle serait moins tolérable encore aujourd’hui, car elle serait offensante et menaçante pour la France et pour des intérêts que nous protégeons. Il n’est pas même nécessaire que des rapprochemens semblables soient inscrits dans des actes officiels pour que nous ayons à nous en préoccuper ; c’est bien assez qu’ils nous soient révélés dans les faits. Un changement très grand est opéré dans la proportion des forces de la France vis-à-vis de l’Allemagne, si une alliance active et durable comme les intérêts qui l’ont produite se forme sous nos yeux entre la Prusse et l’Autriche ; et si la confédération germanique est destinée à être entraînée activement elle-même et dominée par cette alliance. Une grande force de coalition s’organise ainsi, et cette force ne peut menacer que la France. Voilà les conséquences qu’il eût fallu prévoir et prévenir dès le commencement de l’affaire danoise, et qui maintenant se présentent à nous avec le caractère d’un fait. Puisque les cours allemandes se sont remises à faire ainsi de la vieille politique, de la politique d’où les principes moraux sont exclus, et qui ne poursuit que des combinaisons de force par des tours d’adressée deux voies sont ouvertes à la France : ou bien il faut qu’elle aussi elle demande des garanties matérielles contre les agglomérations de forces qu’on prépare en face d’elle, ou bien, et c’est quant à nous la direction que nous préférerions, il faut qu’elle oppose à ces combinaisons l’ascendant de la force libérale et révolutionnaire, il faut