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soit pas bien près de la vérité, et que même il n’aide pas un peu à ses progrès et à son triomphe.


S. AYLIES.

LA SŒUR DE HENRI IV[1].


Les ressources innombrables que présente l’étude du XVIe siècle sont encore loin d’être épuisées, C’est une mine féconde qui ne saurait être trop exploitée, aussi bien par les arts que par l’esprit de critique, et d’investigation de la science moderne. Déjà quelques œuvres remarquables ont montré les trésors qu’on peut retirer de pareils travaux. M. Mérimée dans sa Chronique sous Charles IX, M. Vitet dans ses Scènes, de la Ligue, ont mis en pleine lumière le côté pittoresque de ce temps, qui aurait été digne d’inspirer un Shakspeare. Un grand musicien en a rendu par la puissance des sons les contrastes et la poésie. Les romanciers, moins heureux, ont exagéré la peinture de ces mœurs si curieuses. Au lieu d’imiter Walter Scott qui ne prend à l’histoire que le cadre et l’esprit du temps où se passe l’action, ils se sont emparés des personnages historiques eux-mêmes, et en surchargeant les couleurs, en grossissant les vices et les crimes d’un siècle déjà si vicieux et si criminel, ils ont dépassé le but et altéré non-seulement la vérité, mais même la vraisemblance.

A quoi bon d’ailleurs le roman, quand l’histoire est déjà si riche en incidens, en péripéties de tout genre, quand, pour donner aux récits l’intérêt le plus pathétique, il suffit de remonter aux sources, quand il reste tant de portraits à tracer, tant de vieilles chroniques à faire revivre ? Ne serait-il pas à désirer, par exemple, que M. Cousin eût des émules, et que la vie des femmes des guerres de religion fût aussi bien décrite que celle des femmes de la fronde ? Ce ne sont pas les matériaux qui manquent. Ce qu’il faut, c’est la patience de l’investigation, « Je me suis cent fois étonné et émerveillé, dit Brantôme, de tant de bons écrivains que nous avons vus de notre temps en France, qu’ils n’aient été curieux de faire quelque beau recueil de la vie et gestes de la reine-mère, Catherine de Médicis, puisqu’elle en a produit d’amples matières, et taillé bien de la besogne, si jamais reine en tailla. » Cette judicieuse réflexion de Brantôme n’a rien perdu aujourd’hui de son opportunité. Pour ne citer que quelques noms illustres, Jeanne d’Albret, Marguerite de Valois, la duchesse de Montpensier, ne mériteraient-elles pas, elles aussi, de longues biographies ? Les femmes du XVIe siècle ont un attrait exceptionnel. Elles jouent un rôle actif dans tous les événemens de cette époque à la fois élégante et brutale, où, selon la remarque de Montaigne, la nature humaine était secouée dans tous les sens. Elles sont mêlées, à toutes les intrigues politiques. Elles savent par cœur les vers de Baïf et de Ronsard. Elles écoutent avec intérêt les disputes des théologiens. Elles protègent les arts et les lettres. Chrétiennes par certains côtés de leur caractère, païennes par certains autres, elles mêlent

  1. Catherine de Bourbon, par Mme la comtesse d’Armaillé.