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mais elle lui permet, avec le consentement de l’évêque du diocèse, de faire valoir pour sept années des terres pouvant couvrir une superficie de quatre-vingts acres. C’était la ressource du père d’Olivier Goldsmith, le docteur Primrose du Vicaire de Wakefield, qui était à la fois prêtre et fermier. D’autres reçoivent chez eux quelques jeunes pensionnaires auxquels ils distribuent l’instruction. Il y en a aussi qui écrivent pour les magazines et les revues. Plus le clergyman est pauvre et plus sa famille reçoit généralement une riche éducation classique. N’ayant rien de mieux qu’il puisse laisser à ses enfans, il leur donne libéralement ce qu’il possède. Les jeunes filles n’échappent point elles-mêmes à cette influence cléricale, et sous le toit silencieux du presbytère deviennent parfois des modèles d’érudition. Quelques-unes d’entre elles, savantes hellénistes, aident même leur père à traduire pour les libraires de Londres certains auteurs de l’église primitive. Cette grande éducation, fruit de la retraite et des habitudes sévères d’une vie uniforme, ne concourt pas toujours, je dois le dire, à favoriser le mariage des filles du clergé, ni leur établissement dans le monde. Plus d’un jeune homme à cervelle étroite recule devant l’idée « d’épouser les saints pères. » En dépit de la plus riche chevelure blonde, de l’œil bleu le plus agaçant, de la main la plus blanche qui semble demander grâce pour les trésors de l’éloquence antique, une fille de clergyman sans fortune se trouve donc souvent vouée au grec à perpétuité.

La lutte de certains ecclésiastiques contre les dures nécessités de la vie n’exclut pas toujours un rayon de gaîté chez ces philosophes chrétiens. Un des plus charmans humoristes de la Grande-Bretagne, le docteur Sydney Smith, n’est peut-être jamais si intéressant que lorsqu’il nous raconte d’un air enjoué ses tribulations personnelles. La maison du pasteur bâtie par lui-même, ses meubles grossièrement façonnés dans une provision de bois blanc achetée par hasard, son vieux carrosse, qui rajeunissait tous les ans grâce aux réparations nécessaires pour l’empêcher de tomber tout à fait en ruine, la petite jardinière taillée par la nature en forme de borne milliaire, et dont il avait fait son sommelier, tout cela représente bien la vie d’un pauvre vicaire de campagne dans certains districts de l’Angleterre ou de l’Ecosse[1]. La femme du clergyman exerce en pareil cas une grande influence sur le bien-être de la maison ; active comme l’abeille et non moins économe, ministre de

  1. On peut consulter A Memoir of the Rev. Sydney Smith, by his daughter lady Holland, with a selection from his letters. Voyez d’ailleurs sur Sydney Smith la Revue du 15 octobre 1844. Un autre pasteur de l’église établie, un Écossais, le révérend docteur Paterson, a également publié un livre très curieux sur l’économie d’un presbytère, the Manse Garden.