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différences bien graves en matière d’articles de foi ; chacun n’en met pas moins à suivre les usages, de son culte une sorte de fidélité qu’on pourrait appeler le point d’honneur de la conscience. La plupart de ces sectes sont sorties d’anciennes disputes théologiques, lesquelles ne naîtraient plus aujourd’hui ; mais elles forment ainsi l’héritage d’un passé dont les Anglais ne se dépouillent point aisément. Quelques-unes d’entre elles répondent d’ailleurs à un besoin ; les divers esprits réclament, comme le dit saint Paul, une nourriture différente, et c’est pour satisfaire à cette variété de goûts spirituels que les chapelles ont été fondées. Tous les dissidens sont néanmoins obligés de payer les taxes de l’église (church-rates), et ils en murmurent, car ils se voient ainsi condamnés à payer deux fois, d’abord pour l’église où ils ne vont pas, et ensuite pour la chapelle où ils assistent au service divin. Aussi l’abolition des church-rates a-t-elle été proposée plusieurs fois, quoique sans succès, à la chambre des communes. Sous la législation actuelle, cet impôt constitue pour les dissenters (dissidens) une charge qu’il est difficile de justifier ; mais il leur donne aussi des droits. Un de ces droits est celui d’assister aux vestry meetings (assemblées de la sacristie). Dans ces réunions, qui ont lieu plusieurs fois l’an et qui sont annoncées par une affiche à la porte de l’église, on discute les questions relatives à certaines dépenses du culte et aux travaux de réparation que nécessite l’édifice. Le chef de l’opposition locale est d’ordinaire quelque paysan enrichi, esprit entier, nourri dans les principes des dissidens et fier d’élever autel contre autel. L’amour-propre des pasteurs a souvent beaucoup à souffrir de cette liberté de discussion ; mais qui pourtant voudrait l’abolir ? Les Anglais ne dirigent si bien les affaires de l’état que parce qu’ils ont su placer le droit de contradiction à la base même de leur édifice social. Les événemens de clocher excitent mainte fois entre les partis des animosités et donnent lieu à des exagérations d’éloquence dont on peut sourire ; s’ensuit-il que ces foyers d’agitation ne contribuent point à entretenir la vie du pays ? Presque toutes les opinions des grandes villes se trouvent représentées dans les villages de l’Angleterre ; j’y ai rencontré un libre penseur sous les traits d’un vieillard greffant lui-même ses arbres à fruit et lisant avec dévotion des ouvrages scientifiques. Sa maison, huchée au sommet d’une colline, percée à l’étage supérieur d’une rangée de fenêtres dominant toutes les vallées des environs, et flanquée d’une tour, débris d’un ancien moulin à vent, était regardée par les bonnes gens du pays avec une sorte de terreur superstitieuse. C’était, disaient-ils, la demeure de l’athée, épithète que l’on donne ici trop gratuitement à quiconque ne fréquente aucun endroit consacré au culte. Ces cas d’isolement sont d’ailleurs assez rares :