Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/311

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est d’avoir insinué le sentiment religieux dans le foyer domestique, et c’est surtout là qu’il est fort, parce qu’il est naïf. La foi ne s’affiche, il est vrai, par aucun signe extérieur : elle est dans les cœurs et non sur les murs ; pourtant c’est une sorte de parfum biblique remplissant toute la maison. Ces visites du pasteur causent une grande joie, et le grillon lui-même fait entendre un chant plus fier dans la cheminée. Un faux sentiment de dignité personnelle et des égards que se doit à lui-même le gentleman est l’écueil de plus d’un caractère engagé dans les ordres. Quelques pasteurs vivent trop loin de leurs paroissiens : raides et réservés dans leurs manières, ils peuvent bien commander le respect extérieur, mais ils n’ont ni l’estime ni la confiance des populations, qui les connaissent à peine. Dans plusieurs endroits, les clergymen sont en même temps magistrats civils[1] ; cette confusion des pouvoirs nuit beaucoup plus à l’église qu’elle ne la sert. Ce n’est point par l’autorité que le clergé anglais peut aujourd’hui étendre son influence, c’est par la tolérance et la douceur. Une autre fonction rentre beaucoup mieux dans les attributions du pasteur : je veux parler de la surveillance des écoles. Il n’est guère de villages où ne s’élève à côté de l’église un bâtiment plus ou moins moderne avec des velléités d’architecture gothique. Dans le premier de ces édifices, le protestantisme adorer Dieu ; dans le second, il donne l’instruction à l’enfance.


III

Le village où j’ai passé quelque temps a deux écoles : l’une, située sur la colline au milieu d’une nappe de verdure, est l’infant school (asile ou école gardienne). Le bâtiment neuf se compose d’une grande salle avec une petite chambre latérale et un vestibule. L’intérieur ressemble assez bien à une chapelle ; les murs, blanchis à la chaux et décorés de gravures coloriées, supportent un plafond voûté avec des boiseries de chêne et des architraves revêtues de quelques sculptures. On y reçoit pendant le jour cent dix enfans en bas âge : aussi cette salle participe-t-elle en même temps du caractère d’une école et d’une de ces nurseries où l’on élève les enfans dans les maisons riches. Il y a deux maîtresses, l’une salariée, l’autre qui a offert gratuitement ses services. La première est une jeune fille, la seconde une lady en noir qui a un peu l’air et le costume d’une religieuse : c’est elle qui fait presque tout dans l’école. La religion protestante inspire de pareils dévouemens. La réunion

  1. En Angleterre et dans le pays de Galles, il y a, d’après un rapport au parlement, onze cent quatre vingt-trois ecclésiastiques exerçant les fonctions de juges de paix (justice of peace).