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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/313

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l’Angleterre, mais encore l’Écosse et l’Irlande. Le dimanche, qui passe pour un jour de repos, est au contraire chez nos voisins un jour très occupé. Les filles du vicaire ou d’autres personnes instruites président volontiers ces écoles soit dans la matinée, soit dans l’intervalle des services ; l’instruction y touche principalement aux sujets religieux, et, tout en écartant les broussailles de la théologie, ouvre certaines perspectives à travers la forêt mystérieuse des Écritures. Les leçons y sont gratuites, et beaucoup de pauvres jeunes gens occupés toute la semaine aux travaux de la terre n’ont en vérité que ce lien pour les rattacher au monde idéal. Là du moins ils apprennent à lire et à raisonner sur la Bible. L’église anglicane a cela de bon qu’elle s’adresse tout d’abord à l’intelligence : elle lui demande d’être active et non passive dans la réception des doctrines qui doivent former plus tard le fondement de la foi ; avant de croire, le protestant doit penser. Enfin dès cours publics (lectures) ont lieu durant les soirées d’hiver dans cette même école nationale, et réunissent un auditoire de quatre-vingts à cent cinquante personnes. le vicaire lui-même est un des lecturers. On jugera sans doute que pour un village de dix-sept cents habitans les sources de l’instruction y sont assez abondantes.

Les national schools remplacent ce que nous appelons en France les écoles primaires ; elles doivent leur origine à un ministre de l’église anglicane, le docteur Andrew Bell, né à Saint-Andrew en Écosse. Après avoir fait de bonnes études à l’université de sa ville natale, Andrew Bell s’embarqua pour l’Amérique en 1774 ; cinq années plus tard, il quitta New-York pour revenir en Angleterre. La traversée fut désastreuse ; le brick échoua contre une côte déserte, et comme on était en hiver, les passagers se trouvèrent exposés sans aucun abri au froid et à la neige. La seule trace d’habitation était une cabane de pêcheurs en ruine qu’on découvrait vers le sud-ouest. Andrew Bell désespérait de survivre à ce naufrage ; il fut pourtant sauvé par un petit bateau qui longeait le rivage, et qui, après seize jours de terribles souffrances, le conduisit à Halifax. Il se rembarqua, et cette fois du moins arriva en Angleterre à bon port. Après quelques années d’une vie errante et aventureuse, durant laquelle il courait le pays tantôt à cheval et tantôt à pied, il reçut les ordres sacrés et fut installé en qualité de ministre dans la chapelle épiscopale de Leith. Cette situation tranquille n’était guère de son goût ; il la quitta pour voyager dans les Indes orientales. Le 2 juin 1787, il arrivait à Madras, d’où, il se dirigea ensuite sur Calcutta. Chemin faisant, il avait rempli sa bourse à donner des lectures, grande ressource des Anglais instruits qui cherchent fortune. Ayant été plus tard nommé directeur (superintendent) de l’asile militaire des orphelins de Madras, il se livra tout entier aux devoirs de