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sans doute pas de le voir un jour résolu ; on reconnaîtra aussi qu’il demande avant tout de lents et persévérans efforts dans une voie bien déterminée. — Mais, dira-t-on peut-être, un coup de génie peut changer soudainement la face de la question. A cela nous ne pouvons rien répondre, si ce n’est qu’une telle hypothèse se place d’elle-même au-dessus de tous les raisonnemens. Ici nous avons étudié le problème froidement, en restant aussi près des faits que possible et en suivant un chemin aride, que nous avons dû un peu encombrer de chiffres. Nous tenons d’ailleurs à renouveler à l’égard de ces chiffres une remarque déjà faite. Pour rendre nos argumens plus nets, nous leur ayons donné une forme numérique ; il faut cependant qu’on ait soin de laisser à nos conclusions un peu de jeu autour des nombres qui les représentent. A l’abri de cette déclaration, nous pourrons nous résumer ainsi. — Combien doit peser le moteur qui pourra enlever l’homme dans les airs ? ― Douze kilogrammes par force de cheval. ― Combien pèsent les moteurs les plus légers que l’on ait construits jusqu’à ce jour ? — Quatre-vingt-quinze kilogrammes par cheval[1]. — Nous ne doutons pas que les aviateurs ne puissent facilement rapprocher la seconde limite de la première ; mais, tant qu’ils n’auront pas à montrer au public quelques progrès faits dans cette voie, ceux d’entre eux qui cherchent à frapper les esprits par des fantaisies brillantes feront sagement d’y renoncer. Pourquoi nous représenter d’avance l’atmosphère sillonnée en tous sens de navires ailés ? Pourquoi, dès maintenant, nous énumérer tous les types de la flotte aérienne : « l’avicule, petite nacelle, n’emportant que son aviateur ; l’avicelle, barque portant deux ou trois hommes ; l’ave, grande barque ; l’aéronef, proprement dite, petit navire ; l’aèronave, corvette aérienne 5 le mégalornis, vaisseau de la taille d’un aviso-vapeur de 120 à 130 chevaux, pouvant porter une trentaine d’hommes ? » Pourquoi nous donner le plan dès gares d’atterrissement qui serviront aux steamers aériens ? Pourquoi dès aujourd’hui esquisser les ordonnances de police qui régleront la circulation des véhicules atmosphériques ? Pourquoi discuter dans leurs détails, ce qui paraît d’ailleurs de nature à effrayer des esprits timides, les différens genres d’accidens qui peuvent troubler cette circulation : « chute sans renversement, avec ou sans démâtage ; chute sens dessus dessous

  1. On peut, pour compléter ce résumé, rapprocher des chiffres que nous rappelons ici ceux qui, d’après les explications que nous avons données précédemment, se rapportent à la force moyenne de l’homme et à celle de l’oiseau. Si l’on considère le corps humain comme un moteur, on trouve que la force d’un cheval y correspond environ à un poids de 288 kilogrammes ; la même force correspond chez l’oiseau à un poids de 5 kilogrammes.