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Il veut frapper un jour… Eh bien ! je serai là,
La poitrine à ses coups et l’œil à ses menaces.

Là, devant toi, toujours, éclairant le chemin,
De tes pieds délicats écartant jusqu’au doute.
Aujourd’hui sans souffrir engendrera demain,
Et, calme, grâce, à moi, tu poursuivras la route.

Calme et joyeuse aussi, de sommets en sommets,
Ainsi tu marcheras jusqu’au bout de la voie,
Ayant souri toujours, sans avoir su jamais
De combien de douleurs je te faisais ta joie.

Mais va ! mon âme est riche : avant qu’ils soient pillés,
Ses trésors lasseraient tous les destins moroses,
Et pourvu que tes yeux… Ah ! vous vous éveillez,
Dormeuse ! — Mon amour, je t’apportais des roses.


LA SOURCE.


Sur le cresson noir, sur les cailloux blancs,
Et sans une ride et sans un murmure,
Dans son berceau vert aux rideaux tremblans,
Dort la source froide, immobile et pure.

La broussaille horrible et la roche en pleurs
Couvrent son secret d’une ombre éternelle,
Et, fixe, elle est là comme une prunelle,
Entre les longs cils des iris en fleurs.

Elle est là, bien loin des lieux où nous sommes,
Et loin du soleil qui n’y boit jamais,
Sous la forêt sombre et sur les sommets,
Trop bas pour le ciel, trop haut pour les hommes.

Les oiseaux de l’ombre, aussi ceux de l’air,
Les rossignols blonds et les hirondelles,
Ceux-là seuls à qui Dieu donna des ailes,
Le voient assoupi, le flot chaste et clair.

À travers la branche où sifflent les merles,
Sur son front poli passent tour à tour
L’ombre et le rayon, la nuit et le jour,
L’un la criblant d’or, et l’autre de perles.