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temps honorable et habile, c’est de maintenir leurs principes en écartant toute prévention et toute animosité fondée sur les souvenir du passée et en accueillant sur les points politiques où la lutte s’engage tous les concours utiles. N’imitons point ces premiers chrétiens judaïsans qui voulaient soumettre les fidèles aux pratiques de l’ancienne loi ; faisons comme saint Paul, ouvrons les bras aux gentils et ne damnons pas les incirconcis.

La mort elle-même se charge de nous donner des leçons d’indulgence envers les hommes qui ont traversé les épreuves politiques de notre temps. Elle vient de frapper tristement et prématurément un des plus brillans et des plus braves officiers de notre armée, le général Lamoricière. Ainsi s’est éteinte une carrière aux débuts de laquelle la fortune avait prodigué tous ses sourires. On a le cœur serré quand on se rappelle ces années d’étincelante jeunesse qui devaient aboutir si tôt à l’éternelle obscurité. Comme la popularité était caressante et douce au commencement, la plus chère des popularités au cœur d’un Français, celle où se mêlé la grâce de la jeunesse à la mâle émotion des armes ! La France commençait alors une de ses conquêtes dont la figure lui apparaissait au-delà de la mer sous la splendeur d’une lumière orientale. A mesure que la conquête avançait, les jeunes héros se révélaient, et chaque écho de combat nous renvoyait leurs noms plus sonores. Il y avait alors une jeune armée que l’on voyait pour ainsi dire croître et s’illustrer. Un des plus applaudis parmi les heureux de ce temps, fût le général Lamoricière. Lorsqu’il quitta l’armée et vînt se mêler aux luttes de nos assemblées, la faveur publique le suivit encore et fut méritée par lui. L’orateur n’était pas moins vif, moins spirituel moins adroit que l’heureux soldat. Puis vinrent les révolutions, les lugubres combats de rue, les coups d’état, et cette brave et honnête existence fut perdue pour le service politique et militaire de la France. Lamoricière a rejoint d’autres hommes éminens qui furent ses amis, et dont la perte n’est guère moins regrettable que la sienne, Cavaignac, Charras. En songeant à la fin hâtive de ces hommes dont les commencemens avaient tant promis, on ne peut se défendre de donner aussi une pensée silencieuse à ceux de nos contemporains vivans encore dont la France a pu apprécier autrefois le mérite et encourager les espérances, et qui sont condamnés depuis longtemps, par de semblables accidens politiques, à consumer dans une oisiveté cruelle des facultés qu’ils avaient rêvé de consacrer au service du pays.

E. FORCADE.




REVUE DRAMATIQUE.

LES COMEDIES NOUVELLES.

Que nous sommes loin du temps ou la littérature dramatique éveillait de si vives espérances ! Ne s’est-il écoulé vraiment que trente ou quarante