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le dénoûment sous les yeux du spectateur et de transporter tout d’abord celui-ci dans les régions, où les réprouvés, subissent leurs peines. En outre, strictement fidèle, même ici, à son système d’archaïsme, il n’avait pas laissa d’amoindrir un peu la portée dramatique et chrétienne denses, inspirations par l’emploi de certaines formules païennes, par une imitation assez intempestive de certains types. Ainsi, jusque dans la représentation des hôtes de l’enfer, jusque dans la laideur idéale des monstres, le disciple obstiné de l’art antique travaille à faire, revivre des idées d’ordre et de règle ou tout au moins les traditions d’une sorte de difformité classique. Le Satan que nous montre le bas-relief de la cathédrale de Sienne n’est guère qu’une reproduction modifiée des figures de Pan et de Silène, comme les malheureux dont il surveille les châtimens semblent se souvenir, au milieu de leurs tortures, des graves attitudes et des nobles lignes prescrites par la statuaire grecque. Dans les sculptures de la cathédrale d’Orvieto au contraire, la terreur des criminels à l’heure du jugement et leurs souffrances quand la justice divine a prononcé, les frémissemens de la conscience et de la chair, la désolation des victimes et la rage des bourreaux, s’expriment sans concession, sans équivoque, sans les tempéramens ou les réticences que pouvaient comporter d’autres sujets, mais qui n’auraient fait qu’amoindrir la signification morale de celui-ci. Ajoutons qu’au point de vue de la composition proprement dite nulle turbulence pittoresque en désaccord avec les lois de la sculpture ne vient déconcerter l’harmonie générale et en bouleverser les élémens. Quelles que soient la diversité des gestes, la multiplicité des détails, la complication des lignes, le tout n’en garde pas moins ce caractère monumental, cette unité d’aspect qui parle au regard et l’invite avant même que l’imagination ait eu le temps de s’émouvoir, ou l’esprit d’être persuadé.

Les bas-reliefs de la cathédrale d’Orvieto commandent certes l’admiration ; mais ce qui la mérite aussi, c’est l’intérêt passionné avec lequel les habitans de la ville suivirent, à partir du début, les progrès du travail et en saluèrent l’achèvement ; c’est l’ardeur de leur sympathie pour toutes les entreprises, pour tous les efforts tendant à embellir cette chère église que chacun d’eux rêve sans rivale ; c’est le concours gratuit enfin ; que les plus pauvres eux-mêmes prêtent à ceux qui la construisent ou qui la décorent, en s’attelant aux chariots chargés de pierres ou de marbres, en disposant les matériaux dans le chantier, en portant sur place l’eau et le pain aux travailleurs, de peur que l’œuvre ne souffre chaque jour une interruption un peu longue, et que le moment où tomberont les échafauds ne soit retardé d’autant. En France, nous avons quelque peine à comprendre ces formes de l’esprit patriotique. Le peuple