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lettre. Vous connaissez depuis longtemps ceux que je vous ai voués et la haute considération avec laquelle je suis, monsieur mon frère, de votre majesté la bonne sœur. »

« MARIE-ANTOINETTE. »


Ce n’était pas le dessein de Gustave III de s’en tenir à de vaines offres de services. Pour obtenir d’utiles résultats de ses démarches, il s’adressa en même temps à l’impératrice de Russie et en France au parti de la cour, afin de réunir comme en un redoutable faisceau tous les principaux élémens de la contre-révolution. L’affaire du pavillon national lui parut offrir une excellente occasion d’engager l’impératrice de Russie. On sait que la cocarde puis le drapeau tricolores avaient commencé d’être adoptés dès le mois de juillet 1789, excepté dans la marine. Une insurrection survenue à Brest l’année suivante, à bord de l’escadre revenue des colonies, donna lieu de proposer à l’assemblée nationale la substitution des couleurs nationales au pavillon blanc, resté en usage sur nos vaisseaux. C’est Mirabeau qui, avec des paroles tonnantes, fit adopter cette réforme dans la séance du 21 octobre 1790, en y ajoutant cet amendement, que les matelots remplaceraient désormais le cri de vive le roi par celui de vivent la nation, la loi et le roi ! Le nouveau décret fut presque aussitôt notifié aux diverses puissances maritimes, notamment à la Russie et à la Suède. Le chevalier de Gaussen, notre chargé d’affaires à Stockholm, remit dès le commencement de janvier 1791 entre les mains du gouvernement suédois une instruction imprimée, pour être, avec le consentement du roi de Suède, communiquée à la marine royale marchande ; le même document parvenait dans le même temps à Pétersbourg. Gustave conçut aussitôt l’espérance de pouvoir concerter sa réponse avec celle de Catherine II, et de l’entraîner à former cette ligue du Nord à qui sa vive imagination réservait la gloire d’étouffer la révolution française. Un plan une fois arrêté entre les deux cabinets de Stockholm et de Saint-Pétersbourg, on aurait aisément l’adhésion de celui de Copenhague. Gustave en écrivit lui-même, dès le 21 janvier 1791, au comte de Stedingk, devenu son représentant auprès de l’impératrice. Il était indispensable, suivant lui, que les trois puissances maîtresses de la Baltique répondissent par un formel refus ; il fallait effrayer par l’imposante réunion de ces réponses « les démagogues qui osaient si audacieusement insulter à tous les souverains dans la personne du roi de France. » Il ajoutait dans cette lettre, qui devait être communiquée à Catherine II :


« Admettre le pavillon national dans nos ports, ce serait montrer aux peuples un signe de révolte et de succès démagogique ; ce serait du moins reconnaître hautement la légitimité des attentats de l’assemblée usurpatrice ;