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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/69

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aîné de Noé. Sem fut l’arrière-grand-père d’Héber, trisaïeul de l’aïeul d’Abraham, et de l’un et l’autre est venu le nom des Hébreux. Comme ces dix générations ne se réduisent pas chacune à une tête unique, il y eut, on le conçoit bien, d’autres sémites que la lignée d’Abraham. Ainsi le second fils d’Héber, Yectan, a donné son nom à la tribu des Yectanides, mentionnée dans l’histoire. Cependant les deux grandes et inégales divisions de la race sémitique, du moins les plus connues aujourd’hui, les Juifs et les Arabes, aiment également à tenir Abraham pour leur ancêtre, et la science est d’accord pour regarder l’Arabe du désert comme le véritable sémite, comme le type de cette race nomade, pastorale, poétique, rêveuse, guerrière et déprédatrice, que nous avons si bien appris à connaître en Algérie. Ce n’est pas que l’on puisse prouver que les Ariba, habitans primitifs de l’Arabie, aient été tous du sang de Sem : l’Écriture elle-même dissémine jusque sur leur territoire les enfants de Cham ; mais ceux-ci ne tardèrent pas à disparaître, soit en se fondant parmi les nouveaux venus, soit en se retirant à l’est, en Ethiopie, ou dans le nord de la Syrie. A la naissance de Jésus-Christ, les races sémites dominaient donc depuis longtemps sur tous les points de l’Arabie ; mais, tandis que les Yectanides avaient de bonne heure prospéré et même régné dans l’Yémen, le nord et la région de La Mecque étaient soumis à des tribus réputées de la descendance d’Abraham. Ce sont celles qui ont fini par prévaloir généralement, surtout depuis Mahomet, qui était de la même race.

Ici encore la Bible peut venir en aide à la tradition nationale. On sait qu’elle ne distingue que deux enfans d’Abraham, quoiqu’elle lui en attribue beaucoup d’autres, mais en les vouant à l’oubli. L’un est Isaac, le fils de Sara, le père de Jacob et de tout Israël ; David et Marie étaient de son sang. Le second est Ismaël. Ce que l’Écriture raconte de l’enfance de ce fils d’Agar est le sujet d’un double récit, qui aurait probablement besoin d’être réduit à un récit unique pour cesser d’être contradictoire. Toutefois, en adoptant la version la plus connue et la plus touchante, celle que les arts ont si souvent représentée, il reste textuellement établi que l’Égyptienne Agar, forcée de fuir la tente de son maître, alors au sud de la Palestine, dans le voisinage d’Hébron, prit la route de sa patrie, qui, par Kadesch, la conduisait vers le désert de Pharan, au nord de l’Arabie-Pétrée. Soit qu’un ange l’ait sauvé, soit qu’il ait été rappelé par Abraham, Ismaël rentra en grâce auprès de son père, car c’est lui qui, avec Isaac, le mit au tombeau ; mais en même temps il épousa une Égyptienne, devint puissant entre Havila et Schur, c’est-à-dire dans cette portion de l’Arabie qui sépare la Palestine de l’Égypte, et il fut père de douze chefs qui ont donné dans ces parages leurs noms à des villes et à des châteaux.