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les signes d’un véritable progrès moral. La municipalité librement élue de Milan déploie une activité des plus louables, qui répond aux vœux de ses électeurs. Les élections politiques se pratiquent avec une entière liberté, au milieu de l’ordre le plus parfait. Les plus larges franchises sont accordées à la presse et à la parole. En même temps il serait difficile de trouver une ville où la sécurité publique soit plus assurée, où la police et l’administration soient meilleures. Les habitans sont prêts à faire tous les sacrifices que demandent les nécessités de la patrie. Leur dévouement, à la grande œuvre nationale qui s’accomplit aujourd’hui en Italie et leur amour pour son loyal souverain n’ont pas de bornes. Voilà l’état actuel de la capitale de la Lombardie, que l’Autriche trouvait si difficile à gouverner et si impossible à contenter. Jamais le régime de la liberté constitutionnelle n’a obtenu un triomphe ni plus complet ni plus éclatant.

Et Venise ! Non-seulement les signes de prospérité ne s’y montrent point, mais à chaque pas on y rencontre les signes les plus tristes de la décadence. Les palais y tombent en ruine, le commerce y diminue tous les ans, le port y voit amoindrir chaque année le nombre de ses vaisseaux, l’instruction primaire y est dans l’abandon, la mendicité et le vol s’y étendent toujours. La population est unie dans une haine commune contre le gouvernement étranger qui la domine. En vain celui-ci offre à Venise une participation dans le nouveau système autrichien inauguré par la patente de février 1861 ; Venise n’en veut pas, elle demande seulement que l’étranger sorte du territoire. Tant qu’il y restera, le peuple de Venise ne cessera de manifester son horreur pour le gouvernement de l’empereur François-Joseph et son attachement à celui du roi Victor-Emmanuel. Ni les menaces ni les offres de l’Autriche ne produiront aucun effet sur la résolution unanime de la Vénétie. Possédée en vertu d’un acte d’une criante injustice, contenue par la force, plongée dans la misère, Venise est à la fois une honte et une faiblesse pour l’Autriche. Tant que durera cette union si contraire à tout principe de justice, elle portera des fruits amers.

Supposons maintenant que la guerre de 1859 eût donné à Venise la liberté ; supposons qu’on l’eût réunie, comme Milan, à la mère-patrie, ou du moins à un royaume constitutionnel de l’Italie du nord. Dans ce cas, les Vénitiens n’auraient-ils donc pas fait les mêmes progrès et les mêmes réformes qu’ont accomplis les Milanais ? Les écoles populaires n’auraient-elles pas vu augmenter d’année en année le nombre de leurs écoliers ? n’aurait-on pas construit de nouvelles écoles pour subvenir aux besoins du peuple ? La municipalité de Venise ne se serait-elle pas empressée, comme celle de Milan,