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hommes assez désintéressés pour faire le bien de leur pays au profit de leurs ennemis politiques.

Les journaux du sud affectent d’être indifférens aux événemens du nord. Il est aisé pourtant de voir qu’ils ont joué leur dernière carte sur l’élection de novembre, et qu’ils attendent avec anxiété un vote qui sera leur charte d’indépendance ou leur arrêt de mort. Chaque jour ajoute à l’épuisement du sud. Depuis longtemps, il n’avait de secours et de communication avec l’Europe que par les trois ports de Charleston, de Wilmington et de Mobile. Voilà Mobile étroitement bloqué ; Charleston n’a pas encore succombé, mais son port est emprisonné, sa baie aux mains de l’ennemi, et la fièvre jaune aide la canonnade. Il ne reste plus que Wilmington, où les fédéraux vont concentrer tous leurs efforts, et qui ne tardera pas, à subir le sort de Mobile. Le président Davis est inébranlable ; mais il lui manque les deux nerfs de la guerre, les hommes et l’argent. Ses emprunts sont tombés à néant depuis ses dernières défaites ; ses bons nationaux remboursables dix ans après la guerre ne valent pas le vingtième de ceux des États-Unis. Quant aux hommes, il en est réduit, pour recruter son armée, aux plus déplorables expédiens ; on dit même qu’il songe à enrôler les nègres en leur offrant la liberté, sacrifiant à la fureur de la résistance jusqu’au principe sacré de l’esclavage. En attendant ce scandale, les guérillas saisissent et envoient au général Lee tout ce qu’ils peuvent ramasser d’hommes. Dernièrement, des habitans de la Louisiane échappés au joug fédéral s’étaient enfuis jusqu’au Texas, à Brownsville, dans le camp du colonel confédéré Ford. Celui-ci leur dit qu’il était bien fâché, mais qu’il était obligé de les envoyer sans retard à l’armée de Virginie, qui avait besoin de renforts, et il expédia sous bonne garde au général Lee ces héros involontaires de la rébellion.

Ceci doit dégriser les énergumènes qui crient dans le nord à la tyrannie. S’ils regrettent si fort de ne point combattre avec leurs frères, il ne manque pas de gens, dans le sud, qui sont prêts à changer de place avec eux. La lassitude y est grande et amène la division. M. Jefferson Davis est forcé, pour soutenir sa popularité chancelante, de courir le pays d’un bout à l’autre, soufflant le feu qui va s’éteindre. Dans une curieuse harangue qu’il vient de prononcer à Montgomery, dans l’Alabama, il avoue les dernières défaites, mais il dénonce énergiquement l’erreur grossière et pernicieuse de ceux qui se figurent que l’avènement de tel ou tel candidat dans le nord peut rétablir l’ancienne Union. — La guerre, dit-il, ne finira que par l’indépendance, et le citoyen du sud qui, au lieu de prendre son fusil, a recours aux négociations et aux intrigues est un déserteur et un traître. La réprimande est visiblement à