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Saint-Hilaire, que, tout en flétrissant comme il convient ces natures perverses, il ne néglige pas de faire ressortir le bien qui s’y trouvait mêlé, la sincérité du fanatisme de Philippe II, qui plus d’une fois lui fit sacrifier ses intérêts propres à ce qu’il croyait utile à la cause de la religion, le courage, l’activité, les talens militaires du duc d’Albe, l’héroïsme chevaleresque qui semblait faire de don Juan un paladin du moyen âge fourvoyé dans un état de société et dans une organisation politique auxquels ses qualités mêmes ne convenaient pas, dont son âme ardente et faible ne sut pas repousser la profonde immoralité. Un homme bien différent, le pape Pie V, cet inflexible protecteur de l’inquisition, si odieux à ce titre aux philosophes et aux protestans, trouve lui-même justice aux yeux de M. Rosseew Saint-Hilaire : sans dissimuler son aversion bien naturelle pour ce grand champion de l’intolérance, il l’admire franchement lorsqu’il le voit, en présence d’une formidable agression musulmane, — alors que tous les princes de l’Europe, frappés de terreur ou distraits par leurs affaires intérieures et leurs jalousies réciproques, se renfermaient dans une inaction qui laissait le champ libre aux conquêtes de l’islamisme, — se lever seul pour prêcher la plus légitime des croisades, une croisade défensive, et, à force de persévérance et d’énergie, organiser cette coalition qui devait à Lépante arrêter pour jamais les progrès des forces ottomanes, jusqu’alors irrésistibles.

De ce que M. Rosseew Saint-Hilaire fait preuve d’impartialité envers quelques-uns des plus ardens défenseurs de la cause catholique, doit-on conclure qu’il est complètement équitable dans ses appréciations du catholicisme ? Je regrette d’avoir à dire qu’il n’en est pas ainsi. En énonçant ce grief, je m’oblige à le justifier, et cela exige quelques développemens. On peut bien croire que je ne veux pas faire ici de la théologie, ni entrer dans l’examen des mérites respectifs des diverses communions chrétiennes ; mais, aux yeux mêmes des philosophes les moins croyans, il y a aujourd’hui un point bien acquis, si je ne me trompe : c’est que le catholicisme est une grande institution à laquelle l’humanité est redevable d’immenses bienfaits. Cela serait-il possible, si l’on devait le considérer du point de vue où M. Rosseew Saint-Hilaire se place pour le juger ? S’emparant du principe d’autorité, qui en est sans doute une des bases essentielles, mais qui pourtant ne le constitue pas tout entier, et interprétant ce principe dans un sens absolu que les plus fougueux ultramontains osent à peine lui prêter, il en induit que la seule règle de croyance et de conduite pour un vrai catholique, c’est la volonté du saint-siège, que celui qui, en un point quelconque, s’en écarte tant soit peu cesse d’être catholique, et, en cela