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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/1055

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d’elle-même dans les diverses littératures ; mais, sans avoir besoin d’examiner ces expressions à la loupe, on s’aperçoit qu’elles sont renfermées dans un cadre assez étroit, et que l’âme de leurs auteurs tournait dans un cercle plus étroit encore. La monotonie est l’écueil de cette sorte de poésie, et la raison en est fort simple : il est des choses qu’il est plus agréable de faire que d’entendre raconter, qui procurent plus de plaisir à leur auteur qu’à ceux qu’il prend pour confidens. Si la sensualité, prise sous la forme la plus large, est déjà monotone et inféconde, que sera-t-elle, prise sous la forme la plus étroite ! Or c’est justement cette dernière qu’a choisie de préférence M. Hugo. Tous les tableaux se rapportent exclusivement à la première période de la jeunesse, à l’adolescence, la période où l’âme, composée de turbulence et d’inexpériences n’a encore aucune portée de passion, où le jeune homme se rue sur le plaisir avec un emportement physique qui, par son excès même, prive l’expression de ce plaisir de tout intérêt véritable. Pour les épicuriens de nature, la volupté est une chose sérieuse ; ils la traitent avec une caressante sollicitude, une sorte de respect attendri qui communiquent à l’expression de leurs plaisirs un attrait réel pour d’autres que pour eux-mêmes ; mais chez les adolescens la volupté est rarement une chose sérieuse : c’est un badinage bruyant et gai auquel ils n’attachent pas beaucoup plus d’importance qu’aux badinages qu’ils viennent de quitter. Ce sont les jeux de balle et de cerceau qui continuent sous une nouvelle forme : des cris, des pétulances, des vivacités provenant d’un besoin tout physique de mouvement et d’action. Tout cela est très joli, mais tout cela est bientôt dit, et Larifla aurait beau descendre d’Evohé, comme le prétend M. Hugo, cette antique origine n’empêcherait pas qu’on ne se fatiguât bien vite de se l’entendre corner aux oreilles. — Mais quoi ! me direz-vous, toutes ces choses sont charmantes. — Eh ! sans doute, elles sont charmantes précisément parce qu’elles sont sans portée, et l’adolescence est l’âge heureux par excellence précisément parce que ses passions sont sans profondeur.

Enfin il y avait pour ce recueil un dernier danger. Dieu merci ! il est encore réservé à l’auteur bien des années de force et de fécondité ; cependant il est permis de lui dire qu’il est maintenant séparé de la jeunesse par un assez long intervalle de temps pour que les souvenirs de cette époque soient déjà lointains et bien effacés. Ces choses de la sensualité sont de telle nature que, pour les bien rendre, l’expression ne doit pas être trop éloignée de la réalité. Au bout d’un certain temps, qui est toujours très court, leur âme légère s’est évaporée, et il devient à peu près impossible de l’évoquer par le