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Je t’ai quelque temps tenu là.
Fuis ! — Devant toi, les étendues
Que ton pied souvent viola
Tremblent et s’ouvrent éperdues.
Redeviens ton maître, va-t’en !
Cabre-toi, piaffe, redéploie
Tes farouches ailes, titan,
Avec la fureur de la joie.
……….
Fuis dans l’azur noir ou vermeil.
Monstre, au galop, ventre aux nuages,
Tu ne connais ni le sommeil,
Ni le sépulcre, nos péages.
Sois plein d’un implacable amour.
Il est nuit. Qu’importe ? Nuit noire.
Tant mieux ! on y fera le jour.
Pars, tremblant d’un frisson de gloire !
………..
Tu n’as pas pour rien quatre fers.
Galope sur l’ombre insondable ;
Qu’un rejaillissement d’éclairs
Soit ton annonce formidable.
Traverse tout, enfers, tombeaux,
Précipices, néans, mensonges,
Et qu’on entende tes sabots
Sonner sur le plafond des songes !

Ainsi le lecteur est bien averti que l’inspiration de ce recueil devra le trouver indulgent. Le poète a voulu simplement mettre son Pégase au vert et détendre un instant les cordes de sa lyre violente. Cette précaution prise, il sonne une fanfare charmante pour convoquer l’armée sans nombre de ses admirateurs et leur donner le nouvel ordre du jour de sa muse ;

J’embouche, sur la montagne,
La trompette aux longs éclats.
Sachez que le printemps gagne
La bataille des lilas.
L’oiseau chante, l’agneau broute ;
Mai, poussant des cris railleurs,
Crible l’hiver en déroute
D’une mitraille de fleurs.


Ses lecteurs une fois réunis autour de lui, il se défie encore de la surprise que peut leur causer sa nouvelle fantaisie, et, craignant qu’elle ne les déroute par trop, il les prépare habilement à ce qu’ils vont entendre. Ajournant donc pour quelques instans ses chansons voluptueuses et grivoises, il dogmatise en vers facétieux et expose