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était l’enfant d’une Abyssinienne. L’iman Al-Mansour avait aussi la même origine.

D’où viennent les noirs qui sont répandus et qui se répandent encore tous les jours en Arabie? De l’immigration libre et de la traite. Il arrive sur la côte orientale de la Mer-Rouge un assez grand nombre de noirs saumalis et abyssins qui y sont librement attirés par la facilité de se procurer les moyens d’existence dont ils sont dépourvus chez eux; mais c’est la traite qui est le grand pourvoyeur de sang africain, surtout de femmes noires. Or c’est par les femmes que les mélanges entre races inégales se font le plus facilement, les hommes noirs trouvant rarement à épouser des femmes blanches. La traite s’opère sur une si grande échelle et avec tant de liberté que le produit en est maintenu au plus bas prix. Ainsi, d’après le témoignage de Palgrave, un esclave coûte de 13 à 14 liv. sterl. dans le Djebel-Shammar, et de 7 à 8 seulement dans le Nedjd.

Ce qui menace le plus la race arabe dans la péninsule, ce n’est en définitive ni la domination turque, ni l’influence européenne c’est le sang noir. Le grand danger pour la race de Sem est l’enfant de Cham. L’ennemi bien malheureux et bien innocent du mal qu’il va faire, c’est la petite fille ou la jeune mère africaine que le chasseur d’esclaves arrache à sa famille pour alimenter les marchés de l’Yémen, de l’Oman ou du Hedjaz. Le sang blanc de l’Arabie, qui n’a aucun moyen de se renouveler, finira par s’épuiser; mais ce qui ne s’épuisera pas, c’est la population noire de l’Afrique. La lutte est inégale. Cependant les Arabes n’ont pas le sentiment de ce danger. On a même vu la population s’insurger quand le sultan, sous l’impulsion de l’Europe, a voulu prendre des mesures contre la traite. Il y a dans cet aveuglement un châtiment providentiel il semble qu’une race perde l’instinct de quelques-uns de ses intérêts vitaux là précisément où le sens moral vient à lui manquer.


ADOLPHE D’AVRIL.