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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/140

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avait continué son personnage de diplomate en disponibilité jusqu’à ce que ses liens avec le comte d’Artois et une évidente sympathie le fissent passer en service actif dans le parti des princes. Il était à Aix-la-Chapelle pendant Varennes il était plus tard à Pillnitz partout spectateur souriant plutôt qu’utile diplomate il voyait, comme il dit dans ses mémoires, la scène extérieure de la révolution « des premières loges. » M. d’Escars était toujours le même. Il faut l’entendre raconter, à la fin de son voyage d’Allemagne, ses plaisirs d’hiver au milieu de l’aimable société viennoise cavalcades le matin au Prater, invitations à dîner, loges le soir à tous les théâtres. « La révolution, dit-il, n’avait pas encore fait brèche à ma fortune. » Soit, mais tandis que M. d’Escars continuait cette douce vie, les pauvres émigrés de Coblentz n’avaient pas un sou et le roturier beau-père de notre aimable baron le bonhomme Laborde, comme l’appelait par amitié Marie-Antoinette, se jetait aux genoux de la reine pour lui faire accepter de grosses sommes d’argent. Il fallut cependant, pour le bien de la cause, quitter la société viennoise et se rendre bien loin vers le nord, dans des pays perdus, à Stockholm. En passant par Berlin, d’Escars évita de voir le prince Henri, le célèbre frère du grand Frédéric, bien qu’il fût lié avec lui et même par une correspondance très active; mais par cette correspondance même d’Escars savait que le prince, admirateur de l’assemblée constituante, n’approuvait pas la conduite de son neveu le roi de Prusse ni celle de l’empereur Léopold. Pour son autre neveu Gustave III, il le regardait comme un « carabin politique, » comme « un Don Quichotte. » De Stralsund vers la capitale du roi Gustave, la traversée était bien longue; mais l’heureux d’Escars rencontra à bord l’escamoteur Jonas, qui le reconnut, et lui fit plusieurs tours pour dissiper l’ennui du voyage. Arrivé le 20 septembre, il trouva le roi de Suède prêt à le recevoir avec plus d’honneurs qu’on n’en témoignait à un ministre ordinaire. Son arrivée portait à trois au lieu d’un le nombre des diplomates représentant la France à la cour de Stockholm le chevalier de Gaussen, depuis longtemps accrédité, n’était plus pour Gustave que l’agent de l’assemblée nationale; M. de Saint-Priest, récemment arrivé de Pétersbourg, était l’agent du roi; M. d’Escars enfin avait produit des pleins pouvoirs signés de Monsieur et du comte d’Artois au lendemain de Pillnitz. Gustave III avait en revanche comme représentans M. de Staël à Paris, Fersen, au moins en missions temporaires, près du baron de Breteuil, ministre de confiance de Louis XVI, et le baron Oxenstierna à Coblentz, auprès des princes. Il y avait ainsi entre la France et chacune des principales cours de l’Europe, de l’une et de l’autre part, un double ou triple service