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« Vous avez eu connaissance du message de l’assemblée du 29 novembre. Vous verrez le discours que j’ai fait hier à l’assemblée nationale, et vous jugerez que l’un est une suite nécessaire de l’autre. La cruelle loi contre les émigrans m’avait forcé de faire usage du veto, dont la nécessité a été reconnue par une grande partie de la nation; mais les factieux, qui ne perdent jamais leur point de vue, de chercher à me mettre dans une situation embarrassante, se sont tournés d’un autre côté. Ils ont fait la détestable loi sur les prêtres réfractaires et le message sur les émigrans et les puissances étrangères. J’ai refusé ma sanction au décret sur les prêtres, mais le message sur les émigrans est l’article le plus délicat pour moi et celui où je suis obligé de me prêter le plus aux circonstances, bien résolu pourtant de ne rien faire d’indigne de moi. Dans tout gouvernement établi, si des citoyens s’assemblaient en force et montraient le dessein d’entrer à main armée dans leur pays pour y détruire le gouvernement, et qu’ils fussent favorisés par des puissances étrangères, il ne serait pas possible au chef du gouvernement de souffrir pareille chose, ou il perdrait toute confiance. C’est précisément mon cas. J’ai écrit plusieurs fois (aux princes) en demandant qu’on sépare les rassemblemens, qu’on s’éloigne, qu’on ne donne plus sujet à des inquiétudes qui me forceraient à agir directement contre eux, qu’ils devaient bien m’éviter cette peine cruelle, que, s’ils voulaient agir par la force, ils se perdraient avec ceux qui leur appartiennent et le royaume à la fin de tout, que, pour moi, ils m’ôtaient toute ressource personnelle et me mettaient dans le plus grand danger, à moins de me jeter à corps perdu dans la puissance des factieux, enfin que les puissances avaient tant de sujets de mécontentement qu’il fallait que ce fussent elles qui agissent, et qu’en se tenant en seconde ligne ils ne courraient aucun des dangers que je signalais. C’est avec bien de la peine que j’ai vu qu’ils n’écoutaient pas mes raisons et continuaient la même marche. Quelque mauvais qu’eût été le décret des émigrans, il m’eût été impossible de le refuser, si je n’avais fait en même temps des démarches. pour faire dissiper les rassemblemens… J’ai donc fait aux électeurs des réquisitions que le droit des gens approuve…

« Je ne pense point que cette démarche doive changer rien aux choses pour ma demande de congrès armé. Au contraire j’y vois des raisons de plus la liberté de quelques princes germaniques étant menacée, l’empereur et le roi de Prusse doivent le trouver mauvais, se prêter plus aisément à ce qui a été demandé et par là soutenir les électeurs. Dans ma dernière instruction, je leur ai expliqué bien des raisons par lesquelles les puissances pourraient se mêler de nos affaires: en voilà une bien forte et bien palpable d’ajoutée. Au lieu d’une guerre civile, cela deviendra une guerre politique, et les chances sont bien meilleures. Il faut que vous vous pénétriez bien des raisons de ma conduite que j’ai expliquées ci-dessus, pour en informer les puissances, afin qu’elles soient bien persuadées que ce n’est pas moi qui ai voulu la guerre, mais que, par les circonstances, je ne pouvais pas me conduire autrement, que je recevrai toujours avec plaisir ce qu’elles pourraient faire pour moi.

« Il faut examiner à présent ce qui peut arriver, si les électeurs avaient