Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sous les noms de Magenta, Solferino, Havane, que la mode a rendus célèbres, ont fait le tour du monde avec les nouveautés de Lyon et de Paris.

On a appliqué à la houille une expression devenue banale à force d’être redite, et que nous répéterons cependant encore une fois, car elle peint bien le rôle que joue le combustible minéral à notre époque travailleuse. La houille, a-t-on dit, est le pain quotidien de l’industrie. On pourrait ajouter que la quantité de houille produite ou consommée par un pays peut donner, comme le fer, une idée de l’importance politique de ce pays. Autrefois M. Dumas recourait à l’acide sulfurique pour tracer cette espèce d’échelle de la puissance des états. Aujourd’hui c’est à la houille et au fer qu’il faut s’adresser, et l’exemple de l’Angleterre le prouve surabondamment. Quel pays trouverait-on à opposer sur les mers au royaume-uni? Quelle nation industrielle peut marcher de pair avec lui pour tous les travaux mécaniques, pour toutes les opérations de la science appliquée? Ainsi il est bien démontré que tant vaut la quantité de houille extraite ou consommée par un pays, tant vaut ce pays lui-même; mais ici naît un double phénomène économique jusque-là sans exemple et sur lequel il convient de s’arrêter. Ce phénomène est celui de l’extraction toujours croissante du combustible dans tous les grands pays producteurs, extraction qui augmente chaque année dans des proportions inusitées. Or cette progression a lieu devant l’épuisement certain des houillères à une époque qu’il faut maintenant rapprocher de beaucoup de celle que des géologues trop confians, ou négligeant de tenir compte d’un accroissement dont on n’avait pas encore fixé la loi, avaient reportée à des milliers d’années. La question prend dès lors de telles proportions et elle devient en quelque sorte si pressante, qu’elle intéresse non-seulement l’art technique, mais encore la science dans ses plus hautes spéculations et le progrès même de toutes les nations civilisées.

Il a été démontré par des états statistiques officiels, que la production des houillères françaises double environ tous les quinze ans. Depuis 1815, c’est-à-dire depuis l’époque où la grande industrie s’est établie en France, la loi de cette progression ne s’est jamais démentie, ainsi qu’on peut le voir par les chiffres suivans :


Années Chiffres de l’extraction en quintaux de 100 kilogrammes
1815 9,500,000
1830 18,000,000
1843 37,000,000
1859 75,000,000

Et déjà le dernier Exposé de la situation de l’empire nous apprend qu’en 1864 la production a dépassé 111 millions de quintaux.

On constate le même phénomène économique dans tous les grands pays producteurs, les îles britanniques, l’Amérique du Nord, la Belgique, la Prusse, etc. Ainsi dans les îles britanniques la production était, en 1852, de 500 millions de quintaux en 1864, elle atteignait le chiffre énorme de 927 millions. La Belgique, en 1845, produisait 36 millions 700,000 quintaux, et 75 millions en 1860; en 1863, cette production a dépassé 100 millions de quintaux. Il serait facile de répéter la même progression ascen-