Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/276

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Se servir en industrie du soleil comme combustible avec des miroirs réflecteurs qui en concentrent et renvoient les rayons, n’est-ce pas supposer la présence quotidienne, sinon continue, du soleil, ce qui nous reporte à certaines régions du globe où jamais il ne pleut, mais où la vie civilisée n’a guère fait son apparition? Ne sont-ce pas lieux encore moins propices que les chutes du Niagara à la grande industrie moderne?

Quoi qu’il en soit, c’est dans le soleil sans doute que réside le combustible de l’avenir. Les plus récentes découvertes faites en physique sur la chaleur autorisent cette manière de voir. À ce sujet, on a pu lire dans la Revue même les intéressantes études de M. Laugel, de M. Saveney, et suivre pour ainsi dire pas à pas les curieuses expériences qui, en Allemagne, en Angleterre et en France, ont illustré les noms de tant de physiciens. Qui vivra verra, et l’on peut dire certainement que l’extinction des houillères ne marquera point la fin du monde, j’entends au moins du monde civilisé. Il y a là comme pour le fer, comme pour tous les métaux, si indispensables aux progrès de la civilisation, une sorte d’harmonie préétablie qui a réglé toutes choses bien mieux que celle imaginée par le philosophe allemand. Il faut bien aussi être un peu partisan des causes finales, et si le fer et le charbon, créés pour ainsi dire de tout temps, n’ont réellement été exploités d’une façon active et suivie qu’à notre époque, si bien qu’on peut presqu’en annoncer la disparition prochaine, surtout pour le charbon, qui ne se réemploie, qui ne se retrouve pas comme le fer, on peut assurer aussi qu’après la houille l’éternelle sagesse qui régit le monde nous fera découvrir quelque chose d’équivalent, fùt-ce dans le soleil. C’est donc vers cet astre que devront se tourner les futurs chercheurs, et il en naîtra bientôt par centaines, bien qu’on ne puisse dire encore dans quel sens précis les recherches devront être poursuivies. Le germe de chaque grande invention, inerte pendant des siècles, éclôt à son heure, et de même que l’éolipyle de Héron d’Alexandrie a près de deux mille ans attendu que Savery, Newcomen et surtout Watt naquissent pour en tirer la machine à vapeur, de même les miroirs d’Archimède semblent destinés à montrer aux inventeurs futurs la voie dans laquelle ils devront chercher le nouveau combustible de l’industrie. A ceux qui émettraient des doutes à ce sujet, se fondant sur l’impossibilité d’une telle application du soleil, nous répondrons « Qui eût jamais pensé, en voyant le couvercle d’une marmite se soulever sous la pression de la vapeur d’eau, qu’il y eût là le germe de la force la plus formidable? »

Le soleil sera-t-il donc le combustible de nos petits-fils, et les régions torrides, aujourd’hui presque désertes, verront-elles quelque jour les peuples civilisés émigrer en masse vers elles, comme autrefois les Barbares en Europe? Que ces prévisions paraissent ou non paradoxales, il est certain, on le répète, que le monde ne périra pas faute de charbon, et si jamais une preuve éclatante aura été donnée d’un Créateur ayant pourvu à tout, ce sera certainement le jour où la découverte d’un nouveau combustible, si ce n’est l’application du soleil aux usages calorifiques industriels, aura illustré l’humanité, fière déjà de tant de grandes découvertes.


L. SIMONIN.


V. DE MARS.