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nation jouet et victime des partis qui la déchirent, et trompée sur la situation de ses affaires comme sur celle de ses voisins. » Et trois jours après il abolissait le tribunat.


III.

Les mesures déjà fort peu conformes au principe de la liberté des mers que la tradition britannique et les précédens cabinet: avaient autorisées furent soutenues et redoublées avec acharnement par la nouvelle administration, et des ordres en conseil se succédèrent, de plus en plus attentatoires aux droits des neutres On attribue l’énorme abus qui fut fait de ces principes, fort contestables par eux-mêmes, à l’influence d’un pamphlet remarquable et populaire que, sous ce titre la Guerre déguisée, un écrivain du nom de Stephen avait publié contre la libre navigation. Ces mesures souvent impuissantes et toujours odieuses, étaient presque les seules représailles que l’Angleterre pût opposer aux victoires ininterrompues du conquérant qui menaçait de lui fermer tous les rivages de l’Europe. Cependant on essaya quelque chose de plus efficace ou qui du moins frappât davantage les imaginations. Canning, toujours ardent et peu scrupuleux à la recherche des coups d’éclat, inventa l’expédition de Copenhague.

Pour justifier cet acte injustifiable, il a toujours soutenu que des avis sûrs lui avaient révélé l’existence d’un accord secret entre les deux empereurs réunis à Tilsitt, accord en vertu duquel le Danemark aurait été occupé par nos troupes et sa marine confisquée pour l’usage de la France. Ces avis, dont il ne voulut jamais divulguer la source, paraîtraient lui avoir été donnés par un émigré français qui a laissé une réputation d’intrigant, et qui peut-être avait imaginé les secrets qu’il a livrés. On est toujours crédule dans le sens de sa haine, et le cabinet anglais accueillit aisément l’avis d’un nouveau rapt du ravisseur du continent. La conséquence était d’avertir le Danemark et de le couvrir de la protection de l’Angleterre. Au lieu de cela, une escadre partit avec des troupes de débarquement pour exiger la remise de la flotte danoise, et, sur le refus du régent du royaume, Copenhague fut bombardé. C’était la capitale d’un état neutre qui depuis plusieurs années ne prenait de précautions militaires que contre la France.

Cet exploit criminel et facile put flatter cependant en Angleterre les passions de la multitude. Vainement l’opposition, grossie de plus d’un allié nouveau, invoqua la justice universelle et l’honneur britannique elle ne put même faire comprendre que cette triste victoire n’était pas moins inutile qu’elle était odieuse. Dans les fureurs