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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/30

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aux premiers venus. « Je suis convaincu que ces gens-ci ou tous autres, écrivait lord Grenville, peuvent, avec l’influence du roi, commander une majorité dans le parlement. Ce serait une ambition perverse que de désirer l’apparence et la responsabilité du gouvernement du pays, en ayant la certitude qu’une intrigue de cour serait incessamment à l’œuvre avec tous les moyens de lui enlever tout pouvoir d’être réellement utile. » Aussi le parlement finit-il sa session le 21 juin 1809, laissant le ministère en place et Napoléon à Vienne, prêt à livrer la bataille de Wagram. Sa laborieuse et sanglante campagne de 1809 touchait au terme, et, quoique la journée de Talavera coïncidât avec celle de Wagram, l’Angleterre ne pensait pas que la balance fût égale, si elle n’opérait, un peu tard à ce qu’il semble, une diversion en nous attaquant chez nous. Une tentative fut donc faite sur Anvers, connue sous le nom d’expédition de Walcheren, et malgré l’expérience du dernier débarquement en Hollande le commandement fut donné au frère de Pitt, à lord Chatham, qui n’y trouva pas à réparer sa renommée.

Sa retraite précipitée est un de ces revers qui laissent rarement les cabinets unis. Canning éclata. Il y avait déjà quelques mois qu’il s’était plaint que lord Castlereagh fût un mauvais ministre de la guerre; il avait demandé au duc de Portland que le marquis de Wellesley le remplaçât. Maintenant le duc, forcé lui-même à la retraite par une attaque d’apoplexie, laissait vacante la première place, et Canning la réclamait comme revenant de droit au véritable chef de la majorité dans les communes; mais lord Castlereagh, qui l’accusait de l’avoir attaqué sans l’avertir, lui demanda satisfaction. Canning, en rejetant tout le mystère sur le duc de Portland, qu’il avait, disait-il, prié de ne rien cacher à son collègue, accepta le défi; ils se battirent, essuyèrent chacun deux coups de feu et furent séparés. Cependant ils ne pouvaient plus rester ministres, et Perceval, après avoir fait à lord Grenville et à lord Grey une offre de coalition qui ne pouvait être acceptée, devint premier lord de la trésorerie, avec lord Wellesley pour les affaires étrangères et lord Hawkesbury pour le département de la guerre. Ils remplaçaient Canning et Castlereagh, mais ne les remplaçaient pas à la chambre des communes.

Il y fallait tenir tête à un formidable orage. Sur aucun point de l’horizon européen ne brillait pour l’Angleterre un rayon d’espoir. Le vainqueur de Talavera, maintenant lord Wellington, avait été par des forces supérieures obligé à un mouvement de retraite. Le désastre de Walcheren était un grief accablant. Lord Chatham compliqua ses fautes militaires par des fautes politiques. Trois fois, en voulant le défendre, le ministère fut mis en minorité. Il ne put