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guerre d’Espagne, et cette malveillance à l’égard d’une entreprise qui chaque jour intéressait davantage la nation, qui satisfaisait son orgueil et devait lui assurer un grand rôle dans le succès définitif de la coalition, ne contribua pas peu au discrédit, à la longue impopularité du parti whig et de sa politique. En effet, tandis qu’on persistait dans la tradition d’une opposition routinière à la guerre continentale, les événemens avaient en quelque sorte parlé un autre langage. Au moment même où le continent tout entier s’abaissait sous son vainqueur, le seul asile qui restât à la résistance, c’était ce promontoire de quelques lieues de large qui, coupé et défendu par les lignes célèbres de Torres-Vedras, offrait à l’extrémité sud-ouest de l’Europe l’inexpugnable position d’où Wellington arrêtait et forçait à la retraite une armée commandée par l’illustre Masséna. Il faut voir, dans un des livres les plus saisissans et les plus dramatiques de l’histoire de M. Thiers, comment pour la première fois le drapeau impérial fut contraint de reculer, comment le Portugal, envahi à deux reprises, ne fut jamais conquis. Depuis lors, l’égalité se rétablit peu à peu entre les deux belligérans dans la Péninsule, et bientôt la bataille de Salamanque fit pencher la balance contre nous; elle se livrait au moment où Napoléon, ayant passé le Niémen, préludait par le combat de Mohilow à la marche victorieuse qui devait le conduire à sa perte.

Quoiqu’il fût loin de la prévoir, il ne se dissimulait pas la gravité de la partie qu’il allait jouer. La vérité se dérobe rarement tout entière aux grands esprits que la passion semble aveugler, et ils n’en sont que moins excusables de ne pas regarder ce qu’ils entrevoient. Un fait que je ne trouve dans aucun historien prouve combien, avant de s’enfoncer dans le nord, l’empereur tenait à régler les affaires qu’il laissait derrière lui et à se débarrasser de toute préoccupation des dangers secondaires. Au moment d’entreprendre une campagne dirigée en apparence contre le commerce de l’Angleterre et pour fermer à son pavillon les ports de la Russie, il fit ouvrir par le duc de Bassano avec le cabinet britannique une négociation tendant à un traité particulier, à une paix locale sur les bases suivantes l’indépendance et l’intégrité, 1° du Portugal sous la maison de Bragance, 2° du royaume de Naples et de la Sicile, qui resteraient séparés, chacun des deux états demeurant à son possesseur actuel, 3° enfin du royaume d’Espagne sous sa présente dynastie. À ces conditions, les forces militaires et navales de la France et de l’Angleterre quitteraient l’Espagne, le Portugal et les Deux-Siciles. Lord Castlereagh répondit que, si la dynastie était celle au nom de laquelle le gouvernement de Cadix exerçait son autorité, le prince-régent était prêt à entrer en négociations. Ainsi il n’eût pas été impossible que, du consentement de l’Angleterre,