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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/396

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commode de s’en prendre aux institutions et aux hommes qu’aux circonstances, on accusait la Banque de France de tout le mal. C’était elle qui marquait l’élévation du taux de l’escompte, donc c’était elle qui faisait renchérir le prix de l’argent. Dieu sait ce que pendant ces deux années nous avons vu se succéder de volumes affirmant plus ou moins cette thèse et concluant presque tous qu’on pourrait trouver un remède à la situation par une meilleure organisation du crédit! Grâce à toutes ces attaques, la Banque de France était devenue en quelque sorte le bouc émissaire de la situation, et il fallait une certaine dose d’énergie et une conviction bien forte pour oser prendre sa défense. Nous l’avons essayé pourtant, et plusieurs fois, dans la Revue, nous avons cherché à montrer les choses sous leur vrai jour; mais que peuvent des explications et des raisonnemens lorsque les passions sont excitées et les intérêts en jeu? Or il en est malheureusement toujours ainsi quand l’argent est cher et que le commerce souffre. Cela ne veut pas dire pourtant que la cherté de l’argent soit toujours un obstacle à la prospérité d’un pays; on la voit au contraire souvent coïncider avec cette même prospérité nous en avons la preuve la plus manifeste dans ce qui se passe généralement aux États-Unis et dans ce qui a eu lieu en France et en Angleterre il y quelques années. Toujours est-il que, si la cherté de l’argent n’est pas un obstacle à la prospérité, elle n’est pas non plus la cause qui la favorise. Un pays peut être prospère malgré la cherté de l’argent, lorsqu’il est sous l’influence de certaines conditions économiques; mais il prospérerait encore beaucoup plus, si l’argent était à bon marché: cela diminuerait d’autant le prix de revient des choses, et la diminution du prix de revient, c’est en réalité un nouvel essor imprimé à l’activité industrielle et commerciale.

On s’est plaint d’autant plus chez nous pendant les deux dernières années de la cherté de l’argent, qu’elle n’a pas coïncidé, il faut le dire, avec un grand développement de la richesse publique. Le commerce avait eu ses années brillantes de 1854 à 1862, sauf cependant l’année 1858, qui a été la liquidation de la crise de 1857; mais en 1863 et 1864 il avait subi évidemment un certain ralentissement: on se demandait donc comment il pouvait se faire qu’avec un mouvement d’affaires moindre on dût payer l’argent plus cher qu’on ne l’avait payé dans d’autres années plus brillantes? Cela paraissait inexplicable, et comme il n’y a rien qui rende l’esprit plus docile aux suggestions qu’un mal qui dure et qu’on ne !l’explique pas, on vit pleuvoir, je le répète, toute espèce d’écrits et de volumes qui attaquaient plus ou moins vivement la Banque de France. C’était la Banque de France qui était la cause de tout le mal,