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renchérissement extraordinaire d’une denrée de première nécessité, comme le coton, on a été obligé momentanément d’exporter plus de numéraire qu’à l’ordinaire. Si cette exportation s’est faite dans un laps de temps très court et qu’on ait pris l’argent, comme il arrive toujours, dans les grands réservoirs qui détiennent particulièrement le numéraire d’un pays, à la Banque de France ou à la Banque d’Angleterre, il se peut que cette exportation subite produise un certain vide, que le pays n’ait plus autant d’argent qu’il lui en faut pour ses besoins, et que par cela même il soit amené à le payer un peu plus cher. Ce n’est là pourtant qu’un effet très momentané; s’il n’y a rien autre de changé du reste dans les rapports économiques du pays, si on a la même abondance des autres choses, le même capital disponible, on ne tarde pas à combler le vide en aliénant une partie de ce capital pour faire rentrer le numéraire qui manque, et il rentre d’autant mieux que, comme il est plus cher dans le pays qui en a grand besoin qu’ailleurs, chacun s’empresse de l’y envoyer. Il viendra ou des contrées auxquelles on l’aura expédié par la voie des échanges commerciaux, ou si ces pays, pour une cause ou pour une autre, ne le renvoient pas assez vite, il viendra d’autres pays qui en auront de trop, ou dans lesquels il sera moins cher. Ce qu’il y a de sûr, c’est que le vide ne tardera point à se combler, et que, s’il n’y a d’autre cause à la crise, elle ne sera pas de longue durée. En 1847, après la disette de 1846, il a suffi d’un arrangement avec le gouvernement russe, qui consentit à acheter à la Banque de France 50 millions de rentes, pour que la crise monétaire fût à peu près calmée, et le taux de l’intérêt ne dépassa pas 5 pour 100.

On dira peut-être qu’en 1863 et 1864, c’est également le renchérissement exceptionnel d’une denrée de première nécessité qui a motivé l’exportation du numéraire et qui a causé la crise. Je ne veux pas contester que la crise de 1863 et 1864 n’ait dû quelque chose à la cherté exceptionnelle du coton et par conséquent à une plus grande exportation de numéraire; mais ce serait se faire une étrange illusion que de voir là l’unique et même la principale cause. Les documens fournis par le Board of Trade en Angleterre établissent que pendant la période quinquennale de 1857 à 1861 on avait expédié chaque année pour le Levant, c’est-à-dire pour les pays producteurs du coton depuis la guerre d’Amérique, 13 millions 1/2 de livres sterling ou environ 338 millions de francs. Cette exportation comprenait à peu près celle de toute l’Europe, l’Angleterre étant l’intermédiaire obligé pour les paiemens à faire dans ces pays. En 1863 et 1864, l’exportation s’est élevée à 23 millions 1/2 de livres sterling chaque année c’est donc une différence