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Le numéraire a été pour la circulation des capitaux ce qu’ont été les chemins de fer pour la circulation des marchandises et des voyageurs, et à eux deux ils ont exercé sur le progrès de la richesse publique une influence prodigieuse et qui a donné aux phénomènes économiques des conséquences différentes de celles qu’on avait vues jusqu’alors, celle-ci entre autres que l’argent a pu maintenir son prix, le voir même s’élever, en devenant plus abondant et pendant que cette plus grande abondance coïncidait elle-même avec le perfectionnement des moyens de crédit.


IV.

L’enquête s’est encore donné pour tâche de rechercher quelle analogie et quelle différence il y a entre la crise de 1863-1864 et les précédentes. L’analogie est parfaitement claire. La crise de 1863-64, comme toutes les autres, est née d’un défaut d’équilibre entre les ressources et les besoins, d’un emploi de capital supérieur aux ressources fournies par les épargnes. Toutes les crises naissent de même. Il n’y a qu’un genre de crise qui ne résulte pas des mêmes causes, ce sont les crises politiques pour celles-là, il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu un emploi de capital supérieur aux ressources, que la situation industrielle ou commerciale soit tendue; elles peuvent éclater, comme en 1848, au milieu d’une situation tout à fait normale. C’est la peur qui les fait naitre; tarit qu’elle dure, les capitaux se cachent, et les effets sont les mêmes que dans les crises ordinaires : les produits ne se vendent plus, et chacun recherche le capital sous la forme qui se déprécie le moins, c’est-à-dire sous la forme du numéraire.

En de telles circonstances, l’argent acquiert une valeur tout exceptionnelle, qui tient à son caractère propre. Comme il est un instrument d’échange universel, il possède un marché immense, toujours ouvert, et qui ne dépend pas des accidens commerciaux de tel pays. Pendant que tout se déprécie, lui seul conserve sa valeur; non-seulement il la conserve, mais il la voit même s’élever, parce que dans les momens de crise il est encore plus recherché. Les gens qui rêvent de se passer de la monnaie métallique et de la remplacer par tout autre instrument d’échange n’ont jamais pensé aux crises. C’est dans les crises surtout qu’apparaît l’immense utilité de la monnaie métallique. Si dans ces momens-là il n’y avait pas un instrument d’échange universel, un étalon de valeurs auquel tout pût se rapporter, il y aurait des difficultés extrêmes pour opérer la liquidation; toute crise aurait des conséquences incalculables.

Adam Smith, malgré tout son génie, n’avait pas aperçu les avan-