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donnons notre argent aux étrangers, ils nous le rendent par les intérêts qu’ils prennent dans nos affaires, que nous y gagnons d’établir une solidarité générale entre le capital européen, d’abolir pour lui, comme nous l’avons fait pour les marchandises, le système d’exclusion. Je ne nie pas la valeur de cette objection. Cependant je persiste à croire que jusqu’à ce jour au moins il n’y a pas eu réciprocité, que ni les Espagnols, ni les Russes, ni les Autrichiens ne nous ont rendu l’équivalent des capitaux que nous leur avons prêtés, et que nous leur avons prêtés, hélas! avec trop de désintéressement. Il y a pour cela une raison bien simple, c’est que les capitaux intelligens et clairvoyans préféreront toujours un placement à côté d’eux, sous leur propre surveillance, à un placement lointain qu’on ne peut pas surveiller, et pour lequel il y a toujours quelque risque à courir. Ce qui reste vrai de notre participation aux affaires des pays étrangers jusqu’à ce jour, c’est que nous y avons consacré beaucoup plus de capitaux que nous n’en avions de disponibles, qu’il ne nous en a été rendu, et que de plus nos capitaux ont été mal engagés dans des entreprises qui ont donné peu de résultats. Ces faits bien regrettables n’ont pas peu contribué à la crise de 1863 et 1864.


V.

La constitution de certaines sociétés de crédit sous forme anonyme a-t-elle exercé de l’influence sur les embarras monétaires ? a-t-elle tendu à éloigner ou à rapprocher les crises ? C’est encore une question posée par l’enquête, et à laquelle nous essaierons de répondre.

En principe, il semblerait que la constitution de ces sociétés, de la plupart au moins, n’a pu exercer qu’une influence favorable sur les questions d’argent, puisqu’elles ont eu généralement pour but de recueillir les capitaux disponibles et de les prêter au commerce ou à l’industrie. Il n’en est pas d’elles comme d’une entreprise de chemins de fer qui appelle les capitaux pour les immobiliser, et qui ne les rendra plus à la circulation que sous la forme d’un revenu amélioré si l’entreprise est bonne, d’un revenu diminué si elle est mauvaise. Les capitaux qu’une banque ou institution de crédit appelle, elle ne doit pas les immobiliser, elle doit les avoir presque toujours disponibles et ne les prêter au commerce et à l’industrie qu’à brève échéance. Il semble donc, je le répète, que de tels établissemens devraient atténuer plutôt qu’augmenter les embarras monétaires. Cependant c’est le contraire qui arrive. Les établissemens de crédit mettent bien en effet plus de capitaux à la disposition du commerce et de l’industrie; mais, comme ils paient à ces ca-