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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/425

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discipline et infatués de curiosité scientifique, prétendaient ne devoir qu’aux seules forces de l’esprit humain ces relations avec le monde invisible, visions, voix du ciel ou de l’enfer, évocations des morts, que d’autres attendaient d’une faveur divine. En vain la science, en présence de faits inattendus et peu remarqués jusqu’alors, s’appliquait-elle à marquer les limites de son propre domaine le magnétisme avec Mesmer et le somnambulisme avec Puységur enivraient de nombreux adeptes; incrédules en face de la religion ou de la science se limitant elle-même, mais crédules à l’excès lorsqu’il s’agissait des convoitises infinies auxquelles tant de leurres factices, magie et sorcellerie, grand œuvre, pierre philosophale, fabrication de l’or, science de l’absolu, ont de tout temps promis une satisfaction.

Promptement transporté du domaine des pures théories dans celui des calculs pratiques, le mysticisme, dangereux sous toutes ses formes, le devint bien davantage encore. Sur un sol miné, comme l’était alors celui de la vieille Europe, par le scepticisme, par les appétits révolutionnaires, par l’insurrection et la révolte, sa propagande institua un réseau de sociétés sécrètes ayant pour but avoué la destruction du vieux monde. Les nicolaïtes de Berlin prétendirent extirper tout reste de superstition, c’est-à-dire, dans leur pensée, tout vestige de christianisme,. afin de mieux préparer l’établissement de la Jérusalem nouvelle, église de l’avenir. Les illuminés de Bavière s’en prirent, eux, aux institutions politiques et civiles. Weisshaupt, fondateur de la secte, enseigna que, l’égalité et la liberté étant des droits essentiellement inhérens à la perfection originelle que l’homme avait reçue de la nature, une première atteinte à l’égalité avait été l’institution factice de la propriété, une première atteinte à la liberté l’institution non moins arbitraire des sociétés politiques. Les seuls appuis de la propriété et des gouvernemens étant les lois religieuses et civiles, il fallait, pour rétablir l’homme dans la possession de ses droits primitifs, commencer par détruire toute religion, toute société civile, et finir par l’bolition de toute propriété. Si le programme de la franc-maçonnerie n’était pas aussi déclaré, sa prétention à l’établissement d’une égalité parfaite et à la révélation de certaines vérités surnaturelles la rendait aussi alors irréconciliable avec le christianisme et avec les conditions essentielles des sociétés civiles. Les souverains ne tardèrent pas à sentir le nouveau péril dont ces associations secrètes les menaçaient. Si quelques-uns d’entre eux comme le grand Frédéric jusqu’après la guerre de Silésie, ou comme le duc d’Orléans en France, avaient accepté un des grades suprêmes que décernait la franc-maçonnerie, leurs seuls mobiles avaient été ou de pénétrer dans le camp ennemi pour s’en rendre maîtres, ou de