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Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 60.djvu/510

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Commençons par la Suisse. Les relations de l’Italie avec la confédération sont naturellement fort gênées par le mur des Alpes qui sépare les deux pays, et elles prendront un développement considérable quand cet obstacle aura disparu; mais dès maintenant elles ont une importance réelle. En 1861, la valeur des marchandises importées d’un pays dans l’autre s’élevait à 194 millions de francs. Ce que nous avons dit tout à l’heure des conditions relatives du Saint-Gothard et du Lukmanier s’applique naturellement à ce trafic international. Le Mont-Cenis pourra bien attirer les produits de Genève; mais les quatre cinquièmes de la Suisse seront tributaires du Saint-Gothard. La Suisse doit d’ailleurs fournir son transit aux relations de l’Italie avec l’Allemagne et une grande partie de l’Europe, et c’est ici surtout qu’apparaissent les argumens les plus décisifs dans la question. La ligne du Saint-Gothard, que nous avons suivie tout à l’heure jusqu’à Lucerne, vient déboucher en Allemagne à Schaffhouse; celle du Lukmanier aboutit par Coire au lac de Constance. Il s’agit donc de savoir si c’est par l’un ou l’autre de ces points qu’il est préférable d’arriver en Allemagne. Il faut, pour parler le langage des expertises italiennes, déterminer l’objectif commercial de la ligne helvétique. Le but vers lequel elle doit se diriger est-il situé dans la direction de Schaffhouse et de Bâle, c’est-à-dire dans les pays rhénans? Est-il au contraire dans la direction du lac de Constance, c’est-à-dire dans la Bavière et les pays qui l’environnent? Ce fut une ancienne erreur, très répandue en Italie, de considérer le lac de Constance comme un bassin intérieur, d’une importance capitale, vers lequel convergeraient toutes les artères du mouvement commercial dans les pays germaniques. C’était devenu une sorte d’axiome dans la péninsule que l’intérêt du commerce italien exigeait une grande ligne aboutissant directement au lac de Constance. Or non-seulement ce lac, de forme irrégulière et bordé de différens états, présente des difficultés toutes spéciales pour l’établissement d’un chemin de fer, mais on est obligé de reconnaître qu’il ne justifie en aucune façon l’opinion qui en faisait le centre d’un grand mouvement de marchandises. L’industrie et le trafic des bords du lac sont insignifians, et le commerce de transit qui s’opère par cette voie se compose presque entièrement des échanges que font entre eux les districts frontières. Un coup d’œil jeté sur la carte de l’Europe nous montrera d’ailleurs que ce n’est point par le lac de Constance que le commerce italien doit aborder l’Allemagne. La direction qui offre au commerce de l’Italie les plus riches alimens est celle que dessine le Rhin de Bâle jusqu’en Hollande, et autour de laquelle se groupent des centres de production et de consommation de premier ordre. La ligne du Saint-Gothard et de Schaffhouse dessert naturellement le grand-duché de