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tives. Elles prétendent également à l’emplacement des anciennes missions des jésuites, qui forme une partie du département de Candelaria, sur la rive gauche du Parana, et aux pays situés au nord du fleuve Vermejo.

Quant aux documens diplomatiques ou judiciaires qui pourraient appuyer ces diverses prétentions, les uns sont perdus, les autres incomplets, la plupart dénaturés et rendus inintelligibles par les interpolations qu’ils ont reçues et les commentaires successifs dont ils ont été l’objet. Pendant la longue période où ils ont été copropriétaires de l’Amérique du Sud, l’Espagne et le Portugal ont signé de nombreux traités pour établir leurs droits respectifs; mais ces conventions ont été bien rarement exécutées, et chaque parti y trouve encore aujourd’hui des argumens pour sa cause. On peut en dire autant des arrêts rendus par le grand-conseil des Indes à Madrid pour la délimitation des colonies du Paraguay et de Buenos-Ayres. Rien de plus obscur que le texte de ces documens, dont l’étude ne ferait, dit-on, que créer de nouveaux doutes et accroître les difficultés de la question.

Depuis la proclamation de l’indépendance, les puissances intéressées avaient plusieurs fois cherché à s’entendre, mais après des négociations plus ou moins longues elles étaient arrivées seulement à convenir que la question serait ajournée et le statu quo maintenu. Tel est le sens des protocoles signés en 1852 par le Brésil et le Paraguay, et en 1856 par ce dernier pays et la confédération argentine. Quel est des deux adversaires aujourd’hui en présence celui qui s’est le premier fatigué de cet état provisoire ? à qui revient la faute d’avoir rompu cette trêve tacite? Pour avoir tiré les premiers coups de canon, le président Lopez doit-il assumer toute la responsabilité de la lutte, ou n’a-t-il fait que suivre la ligne de conduite que lui imposaient l’attitude menaçante de la république argentine et son alliance avec le Brésil et l’Uruguay? Ce sont là des points qu’il serait bien difficile de décider, et l’on peut dire seulement, pour l’honneur des belligérans, que chacun d’eux cherche à rejeter sur le parti opposé l’initiative de la rupture.

C’est le 10 juin 1865 qu’un corps d’armée paraguayen, ayant franchi le fleuve l’Uruguay, s’est emparé de la ville brésilienne de San-Borja. Quelques heures après, dans la matinée du 11, sept vapeurs du Paraguay, appuyés de six chalands armés et d’une batterie de terre, attaquaient dans les eaux de Corrientes l’escadre impériale, forte de dix canonnières. L’avantage restait aux Brésiliens, mais ceux-ci, ne se croyant pas en état de tirer parti de leur victoire, abandonnaient bientôt les eaux dans lesquelles s’était livré le combat pour regagner le bas du fleuve. Les hostilités ainsi commencées ont suivi leur cours. L’empereur dom Pedro, en apprenant la prise de San-Borja et l’envahissement du territoire de l’empire sur plusieurs points, est parti pour le Rio-Grande. La présence du souverain, qu’accompagnent ses deux gendres, le duo de Saxe et le comte d’Eu, a donné une plus vive im-