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éphémère que les cours mahométanes promettaient à leurs sujets à Bagdad, à Cordoue, ou même à Palerme.


I

Il faut, pour bien se représenter le trouble singulier que les incursions maritimes des Arabes ou des Sarrasins jetèrent dans le bassin de la Méditerranée au VIIIe siècle, il faut songer à la paix et à la sécurité dont jouissait ce bassin depuis les derniers temps de la république romaine. A prendre l’histoire de Rome, ce fut une grande tristesse que l’établissement de l’empire romain, qui produisit les cruautés et les extravagances des empereurs, la bassesse et la paresse de la populace romaine, qu’il fallait nourrir et amuser. A prendre l’histoire du monde, qui était tyrannisé et pillé par les proconsuls romains, l’établissement de l’empire fut un bienfait ; il y eut pour les provinces plus d’ordre et un peu moins d’exactions. Mais ce fut surtout pour le commerce que l’empire fut un grand avantage : plus de flottes rivales sur mer et luttant les unes contre les autres. La police de la mer fut facile, puisqu’il n’y avait plus qu’un seul pavillon, et la Méditerranée, avec ses mille golfes, ne fut plus qu’un vaste bassin ouvert au commerce par la paix.

C’est cette paix qui durait depuis sept siècles que vinrent interrompre et détruire au VIIIe siècle les incursions maritimes des Arabes. Pendant le premier siècle de l’ère mahométane, les Arabes hésitaient beaucoup à entreprendre des expéditions maritimes. Un des plus hardis capitaines des Arabes, Moawia, ayant demandé au calife Omar la permission d’aller attaquer l’île de Chypre, Omar le lui défendit en disant qu’il ne fallait pas confier les guerriers de l’islam à un morceau de bois flottant. C’est encore Omar qui écrivait qu’il savait que la Méditerranée était beaucoup au-dessus de la terre, et que nuit et jour elle demandait à Dieu la permission de l’inonder, qu’il ne fallait donc point que les armées musulmanes fussent remises à la garde d’un si perfide élément. On disait aussi autour d’Omar que, Mahomet et le Coran n’ayant pas parlé de la mer, les mahométans ne devaient pas la connaître ni surtout s’y hasarder. Cependant, comme les peuples finissent toujours par trouver dans leurs livres religieux ce qui est nécessaire à la satisfaction de leurs besoins et de leurs intérêts, les Arabes, surtout quand ils se furent emparés de l’Afrique et de Carthage (698 après Jésus-Christ), trouvèrent qu’il y avait dans le Coran toute sorte d’encouragemens à avoir une marine. Les docteurs et les commentateurs du livre sacré assurèrent que le musulman qui dans la guerre sacrée supportait le mal de mer avait autant de mérite que celui qui mourait sur le champ de bataille baigné dans son sang, que l’ange de la